Conclusion de la première partie

Cette première partie s’est d’abord intéressée à l’histoire du temps de travail et de ses enjeux, pour la France principalement. Nous avons vu comment le temps de travail est devenu, à partir de la révolution industrielle, un élément incontournable interférent dans les entreprises et de quelle façon ces dernières se sont saisies de celui-ci pour le faire évoluer en fonction des facteurs de contingences multiples. Si la tendance a plutôt longtemps été une lente et progressive réduction du temps de travail, la notion d’aménagement-réduction du temps de travail (ARTT) a fait son apparition dans les années 1980 afin de répondre à de nouveaux impératifs de production mais également aux préoccupations des salariés. C’est à partir de cette période que l’on assiste à une diversification profonde des formes d’organisation du temps de travail et à un développement de la flexibilité. Dans les années 1990, dans un contexte de chômage important, la réduction du temps de travail refait chemin. Afin de comprendre les enjeux du débat, nous avons étudié les principales thèses des sociologues et philosophes sur la question du travail dans notre société. Nous abordons ensuite la question des cadres dans la nouvelle législation sur le temps de travail. Enfin, une analyse du concept de négociation nous permet de mettre en évidence le rôle accordé par les acteurs internes et externes à la négociation dans le cadre d’une démarche d’ARTT.

Dans un second temps, nous nous sommes attachés à positionner nos travaux de recherche dans le prolongement de certaines réflexions théoriques sur les organisations. Nous proposons de faire du temps de travail un outil de gestion et nous montrons que l’ARTT peut être un dispositif de gestion permettant de favoriser des arrangements visant à améliorer le fonctionnement des organisations. Enfin, à partir d’une revue de la littérature, nous présentons les résultats d’études longitudinales et expérimentales sur l’influence des politiques d’ARTT (horaires flexibles et réduits) sur les attitudes et comportements au travail des salariés et sur l’efficacité et l’efficience organisationnelles. De façon unanime les études notent que les horaires flexibles ont rarement un impact défavorable sur la performance des employés, mais il peut être neutre.

Nous avons défini dans le troisième chapitre les concepts de management, de stratégie et de management stratégique à partir d’une revue de la littérature afin d’aboutir à une représentation du management stratégique de l’ARTT. Ce chapitre pose ensuite la question de l’apprentissage organisationnel dans le cadre d’une démarche d’ARTT : comment les entreprises peuvent-elles changer leurs modes de fonctionnements et développer de nouveaux comportements de travail ?

Ainsi, nous avons montré que le management par projet constitue un stimulant de l'apprentissage organisationnel et joue un rôle majeur dans un processus de changement tel que l’ARTT. En effet, le projet est susceptible de transformer l’organisation elle-même. Loin d’être seulement un lieu de reproduction des pratiques antérieures, il est aussi un espace de construction collective de nouvelles logiques d’actions. C’est par retouches successives que les entreprises qui adoptent le management par projet modifient leur mode de fonctionnement. Enfin, le projet stratégique comme outil permettant d’accompagner une démarche d’ARTT nous semble pertinent et constitue un vecteur d’efficacité et de performance pour les entreprises et les organisations.

Le quatrième chapitre tente de répondre à la question suivante : l’ARTT est-il une contrainte ou une opportunité stratégique pour les entreprises et les organisations ? Nous présentons une typologie des changements stratégiques adoptés par les entreprises et les organisations face à l’ARTT (changement proactif ou offensif et changement réactif ou défensif), ce qui nous permet d’aborder les processus d’adaptation au travers des notions d’élasticité, de flexibilité et de plasticité.

Nous analysons ensuite, l’environnement pertinent pour l’analyse et l’action stratégique au travers de l’articulation dialectique interne et externe. Nous présenterons enfin précisément le concept de coûts-performances cachés selon l’approche socio-économique des organisations. Nous montrons que compte tenu de la plasticité de la productivité mesurée par les coûts cachés, il est possible, grâce à des actions de dynamisation, de réduire le temps de travail en rendant un volume et une qualité de service et de produit inchangés. Nous développons en dernier point l’opportunité stratégique d’aménager et réduire le temps de travail pour déclencher un processus performant de modernisation global du fonctionnement de l’entreprise.

La deuxième partie nous permet de confronter ces premiers résultats à l’expérimentation sur le terrain. Après avoir présenté l’environnement expérimental de notre recherche, à savoir les terrains d’expérimentation, la méthodologie de recherche et le laboratoire de recherche (chapitre 5), nous analysons les pratiques stratégiques des entreprises et des organisations face à l’ARTT (chapitre 6). Nous proposons ensuite des outils et une instrumentation applicable dans le cadre de la mise en œuvre de l’ARTT. Nous montrons que ces outils peuvent être un investissement immatériel à forte valeur ajoutée pour les entreprises (chapitre 7). Enfin, au vu des résultats expérimentaux obtenus sur les effets de l’ARTT sur la performance globale, nous présentons une modélisation d’un processus d’ingénierie en management de l’ARTT, nous proposerons une forme de conception, de construction, de mise en œuvre et d’évaluation adapté aux entreprises et organisations soumises à cet objectif-contrainte (chapitre 8).