6.3.1. les motifs d’entree dans un dispositif d’ARTT

En juin 2001, 86% des entreprises de l’échantillon avaient signé un accord sur l’ARTT. 42% d’entre elles avaient signé un accord d’ARTT dans le cadre du volet offensif de la loi Aubry, 26% dans le cadre de la loi Aubry mais sans aide de l’Etat, 7% sont dans le cadre d’un volet offensif de la loi Robien. Seulement 21% d’entre elles ont anticipé la signature de l’accord d’ARTT. Enfin, 53% des accords ont été négociés dans l’entreprise, 39% dans la Branche, 21% dans le Groupe de l’établissement ou de l’entreprise et 16% dans l’établissement.

Cette enquête permet de mettre en évidence que la propension à négocier croît avec la taille de l’entreprise, avec un effet de seuil à 20 salariés dû au calendrier spécifique de la réduction de la durée légale pour ces entreprises. Au regard de ces résultats, 87% des entreprises qui ont signé un accord sur l’ARTT ont un effectif supérieur à 20 salariés. Les petites entreprises semblent soit attendre les consignes de la Branche ou soit ne rien faire.

On distingue deux facteurs explicatifs d’entrée dans un dispositif d’ARTT : celui qui tient à la structure même de l’entreprise et celui qui tient à sa position sur son marché et dans son environnement. On fait l’hypothèse selon laquelle une structure capitalistique très ouverte, avec des actionnaires susceptibles d’entrer et de sortir facilement du capital de l’entreprise, est plutôt défavorable à l’engagement d’une démarche d’ARTT.

Les variables de l’enquête qui permettent de tester cette hypothèse sont :

  • la cotation en Bourse, une entreprise cotée en Bourse sera plus soumise à la pression des marchés financiers, donc moins susceptible d’engager une démarche d’ARTT. Si on croise la question 7 (L’entreprise est-elle cotée en Bourse ?) à la question 17 (Votre entreprise ou organisation a t-elle signé un accord sur l’ARTT) 67% des entreprises non cotée en Bourse ont signée un accord sur l’ARTT
  • le degré d’autonomie de l’entreprise par rapport au Groupe : une entreprise relativement autonome pourra être soumise à des contraintes moins strictes en matière de RTT. A la question 8 (L’entreprise a-t-elle une autonomie de décision concernant l’organisation et l’ARTT ?) 79% des entreprises ont une autonomie de décision concernant l’ARTT.

Deux raisons peuvent être avancées pour justifier cette hypothèse. D’une part, l’ARTT peut être considéré comme une démarche coûteuse et risquée, susceptible d’affecter les performances financières de l’entreprise. D’autre part, on peut penser que ce type d’entreprise, soumis à des exigences importantes de rentabilité a déjà mis en œuvre des réorganisations (modulation du temps de travail, annualisation du temps de travail, allongement de la durée d’utilisation des équipements ou d’ouverture à la clientèle…) indépendamment de la RTT. Le second facteur pouvant influer sur la probabilité d’engager une démarche d’ARTT concerne la situation financière de l’entreprise : une situation dégradée peut entraver la capacité à prendre des risques. Au contraire, comme nous pouvons l’observer dans les réponses de la question 10 (Relativement à 1999, le volume de votre activité en 2000 a-t-il été fortement croissant, croissant, stable, décroissant, fortement décroissant ?) une situation de croissance et de bonne santé économique rend plus attractive la mise en place de l’ARTT. 58% des entreprises ayant un volume d’activité fortement croissant ou croissant ont signé un accord d’ARTT.

De plus les variables de l’enquête qui nous permettent de tester également cette hypothèse : c’est la question 10 croisée avec la question 18 (Concernant l’ARTT, votre entreprise a signé un accord de réduction du temps de travail ?). L’analyse nous montre que 76% des entreprises en situation croissante ont signé un accord d’ARTT offensif. Un autre facteur pouvant influer sur la probabilité d’engager une démarche d’ARTT tient à la stratégie compétitive de l’entreprise ouà sa situation au regard de la compétitivité.

A la question 11 (Pour votre activité principale, et face à la concurrence, pouvez-vous indiquer parmi cette liste, les deux atouts principaux de votre entreprise ?), 41% des répondants estiment que l’un des atouts principaux est « la qualité du produit ou du service », 18% « la diversité des produits et des services » et 16% « la diversité des produits ou services ».

Une stratégie axée sur les prix inférieurs aux concurrents semble a priori peu disposée à s’engager dans une démarche d’ARTT, dans la mesure où le risque d’un impact négatif sur les coûts salariaux peut s’avérer dissuasif. En revanche, les entreprises qui jouent sur la capacité de répondre aux besoins des clients (qualité des produits ou des services), sur la diversité des produits ou services en encore sur la renommée peuvent espérer bénéficier d’une démarche d’ARTT pour améliorer leur proactivité, la polyvalence de leurs salariés ou embaucher de nouvelles compétences.

L’enquête ne dispose pas d’indicateurs concernant les aspirations des représentants des salariés ou des salariés eux-mêmes. Nous sommes réduits à supposer de façon très générale qu’ils sont favorables à une démarche d’ARTT, dans la mesure où il s’agit d’une revendication importante du mouvement syndical depuis de nombreuses années (Freyssinet, 1997 557 ).

Notes
557.

FREYSSINET J., « Le temps de travail en miettes. Vingt ans de politiques publiques et de négociations collectives », Editions de l’Atelier, 1997