7.1.2.1. Les principes et objectifs généraux du projet

Avant d’expliciter la notion de projet socio-économique d’ARTT, nous analysons les principes généraux du projet.

7.1.2.1.1. Les principes généraux du projet

Le projet se construit à travers des compromis, des coopérations conflictuelles et des apprentissages communs. Pour Brechet (1997 571 ), « toute rencontre de projets met en jeu des acteurs et des objets entre lesquels se nouent des négociations, des échanges et des jeux, implicites ou explicites. Toute rencontre de projets est une construction technico-économique et socio-politique évolutive de par des événements qui l’affectent et de par les propres apprentissages, coopérations et conflits qu’elle génère. »

Louart (1995 572 ) définit la construction technico-économique comme l’ensemble des objectifs économiques, des méthodologies et des pratiques opératoires d’une organisation. Les objectifs étant supposés commun et partagés, cette construction implique une recherche de cohérence et d’efficacité collective. Selon ce même auteur, les constructions sociopolitiques correspondent aux représentations et intérêts des différents acteurs ou groupes d’acteurs faisant partie de l’organisation.

Le développement des organisations met en jeu des acteurs, leurs projets, leurs conditions de participation au développement des projets productifs et aux régulations concurrentielles. C’est sur la prise en compte de ces acteurs et de leurs jeux dans les divers systèmes dans lesquels ils se meuvent que nous devons fonder la compréhension de la dynamique des formes organisationnelles (Brechet, 1997 573 ).

Les individus sont habituellement rationnels, mais leur rationalité s’inscrit dans des contextes d’action complexes qui peuvent être interprétés comme un mélange de rationalités technico-économiques et sociopolitiques. Ces deux rationalités sont à la fois complémentaires et antagonistes. Le besoin d’équilibre entre les deux amène à considérer l’entreprise comme un espace d’échanges à la fois opérationnels et idéologiques, dans lesquels ces deux rationalités puissent s’articuler. Ces deux rationalités, pour Louart (1995 574 ) contribuent conjointement, de façon plus ou moins tensionnelle, à la création des pratiques organisationnelles. Le projet ne peut être le fait d’un seul homme, c’est pourquoi l’idée de collectif d’acteurs est importante.

Le « projet sous-entend la stratégie comme catégorie permettant d’envisager le passage des intentions aux actes » 575  ; les comportements et les projets naissent de stratégies non l’inverse. A cet égard, notre représentation de la stratégie et du projet est très proche de celle de Bréchet. Stratégie et projet sont directement liés, et le projet représente le vecteur de construction de sens de la stratégie. Le projet stratégique sur l’ARTT représente une démarche de construction de sens pour des acteurs engagés dans l’action. La construction de sens est donc pertinente pour un acteur situé et détenteur d’une ambition d’agir au service d’un projet sur l’environnement.

Selon Le Bœuf et Mucchielli (1992 576 ), « le projet permet la mobilisation collective, condition nécessaire aux défis de l’environnement, la volonté stratégique ne suffisant pas. Le projet permet de réaliser cette mobilisation collective en assurant à la fois la symbiose entre l’économique et le social et une synergie entre l’interne et l’externe ».

Selon Argyris (1957 577 ), l’individu renferme un potentiel qui peut être mis en évidence grâce au groupe dans lequel il travaille. En s’appuyant sur cette hypothèse, il recommande aux managers de parler ouvertement des problèmes afin d’aboutir à une solution admise de manière consensuelle. Il développe par la suite l’idée avec Schön (Argyris et Schön, 1987 578 ) et parle ainsi d’apprendre des autres et plus seulement de sa propre expérience. Le projet sur l’ARTT se déroule dans la même logique avec l’objectif de réduire les dysfonctionnements. Le projet sur l’ARTT caractérise donc le passage à l’acte après une étape de réflexion sur les dysfonctionnements, à réduire de manière prioritaire.

Le management par projet permet également d’accroître la motivation des individus, leur satisfaction au travail, leur implication et leur développement personnel (Davis et Lawrence, 1977 579  ; Kolodny, 1979 580  ; Denis, 1986 581  ; Genin, 1994 582  ; Leroy, 1995 583 ).

Le management par projet orchestre donc le projet. Il consiste à établir une meilleure communication et un décloisonnement entre les acteurs impliqués dans la mise en place du projet sur l’ARTT, puis à constituer des groupes de travail dirigés par un chef de projet. L’entreprise est ainsi organisée sous la forme d’équipes temporaires et complémentaires sur le plan des compétences.

Notes
571.

BRECHET J.-P., « Projets individuels et collectifs, paradigme stratégique et réalité construite. Pour une lecture constructiviste du développement des organisations », Actes du développement des organisations », Actes du colloque de l’IAE de Lille, Constructivisme (s) et sciences de gestion, Tome 1, octobre 1997, pp. 218-233.

572.

LOUART P., « Succès de l’Intervention en Gestion des Ressources Humaines », Editions Liaisons, 1995, 314 p. pp. 41-43.

573.

BRECHET J.-P., op.cit., octobre 1997, pp. 218-233, p. 219.

574.

LOUART P., « Succès de l’Intervention en Gestion des Ressources Humaines », Editions Liaisons, 1995, 314 p., pp. 41-43.

575.

Poirier L., « Stratégie théorique », Paris, Economica, 1987, cité par BRECHET J.-P., « Projets individuels et collectifs, paradigme stratégique et réalité construite. Pour une lecture constructiviste du développement des organisations », Actes du développement des organisations », Actes du colloque de l’IAE de Lille, Constructivisme (s) et sciences de gestion, Tome 1, octobre 1997, op.cit., p. 225.

576.

Le Bœuf C. et Mucchielli A., « Le projet d’entreprise », op.cit., 1992, p. 67.

577.

Argyris C., « Personality and organization », Harper and Row, New York, 1957

578.

Argyris C. et SCHON D.A., « Organizational learning : a theory of action perspective », Addison-Wesley, Wokingham

579.

Davis S.M. et Lawrence, « Matrix », Addison-wesley, 1977

580.

Kolodny H.F., « Evolution to matrix organization », Academy of Management Review, vol. 4, n°4, 1979, pp.543-553

581.

Denis H. « Matrix structures, quality of working life and engineering productivity », IEEE Transactions on Engineering Management, vol.33, n°3, 1986, pp.148-156

582.

Genin M. « Management de projet : école d’antinomie, école d’autonomie », Colloque IAE de Lille, août, 1994.

583.

Leroy D. « Fondements et impact du management de projets », Actes du 6ème symposium international en management de projets organisé par l’IAE de Lille, Actes du colloque, 16 juin 1995.