7.2.2.1. Le concept d’investissement immatériel

Bounfour (1995 618 ) définit plusieurs approches de l’investissements immatériel. Une première approche indique que tout est immatériel, ou tend à le devenir au sein de l’organisation. Cela implique de considérer l’organisation comme un processus interactif, ouvert et non plus comme un processus linéaire de production. Cette théorie montre ses limites du fait de l’absence de contenu spécifique. La seconde approche consiste à focaliser l’analyse sur les activités de services, qu’elles soient externalisées ou intégrées à l’entreprise. Elle considère tout investissement en matière de service comme immatériel, ce qui en fait sa spécificité mais aussi une limite puisque strictement limitée aux services. Enfin, une dernière approche généralise la définition de l’immatériel à l’ensemble des activités immatérielles, dans une dimension stratégique de ses ressources immatérielles. Cette approche considère les ressources immatérielles comme des leviers de développement d’avantages compétitifs. Les travaux majeurs relatifs à cette approche regroupent les approches basées sur les ressources et les actifs immatériels (Resources-based view (Wenerfelt, 1984 619 ), les approches basées sur les pôles de compétences (Prahalad et Hamel, 1990 620 ) et l’approche liée aux compétences comme « routines organisationnelles » (Neson et Winter, 1982 621 ).

Les investissements immatériels ont des conséquences qualitatives, quantitatives et financières à court, moyen ou long termes sur des éléments tangibles et intangibles de l’organisation. Cette définition rejoint celle de différents auteurs qui adoptent différents termes pour désigner l’investissement immatériel, tel que l’investissement « intellectuel » (Afriat, 1992 622 ) ou la propriété incorporelle (Chavanne et Azéma, 1986 623 ). Selon Caspar et Afriat (1988 624 ), immatériel signifie « savoir collectivement disponible ».

Savall et Zardet (1988 625 ) parlent de « 4 I » (Investissement Immatériel, Intellectuel et Incorporel) et définissent l’investissement immatériel comme « un ensemble de mini-actions individualisées ou collectives et synchronisées qui convergent vers la réalisation des objectifs stratégiques de l’entreprise démultipliés à tous les niveaux.

Dans le cadre de la mise en œuvre de l’ARTT, le développement et l’amélioration des compétences d’une entreprise, d’un service ou d’un atelier peut se concrétiser par l’achat de nouveaux matériels (investissement matériel), complété par des actions de formation à l’utilisation de ces matériels (investissement immatériel). Les effets se manifesteront par des résultats immédiats, par exemple, l’augmentation de la productivité, une bonne utilisation des matériels (élément tangible) et donc un faible taux de pannes dues aux mauvaises utilisation des matériels (résultat quantitatif), mais aussi à l’amélioration des conditions de travail et une plus grande satisfaction des personnels (résultat qualitatif). Enfin, l’investissement immatériel va entraîner une création de potentiel par l’accroissement de la polyvalence qui générera des résultats futurs et évitera le recours à du personnel intérimaire pour combler certains manque de compétences (résultat financier).

Notes
618.

BOUNFOUR A., « Immatériel et stratégies compétitives, éléments de problématiques », in Actes AIMS - 4ème conférence Internationale de Management Stratégique, 2, 3 et 4 mai 1995, Paris, 23 p.

619.

WENERFELT B., « A ressource-based view of the firm », Strategic Journal, 1984, p.171-180.

620.

Prahalad C.K. et Hamel G., « The core competence of corporation », Harvard Business Review, mai-juin 1990, p. 79-91.

621.

NELSON R. et WINTER S.G., « An evolutionnary theory of economic change », Belknap Press an Harvard University, 1982.

622.

AFRIAT C., « Pour une reconnaissance de l’investissement intellectuel », dans la Revue Française de Gestion, janvier-février 1992, pp. 38-44.

623.

Chavanne A. et Azéma J., « Propriétés incorporelles », Revue trimestrielle de droit commercial et économique, n°2, avril-juin 1986.

624.

Caspar P. et Afriat C., « L’investissement intellectuel - essai sur l’économie de l’immatériel », economica, CPE, 1988, 159 p.

625.

SAVALL H. et ZARDET V., « Investissement immatériel, intellectuel et incorporel dans les entreprises et les organisations - Formalisation dans le cadre de l’analyse socio-économique », Communication présenté par H. Savall au colloque de Cerisy sur les métiers de l’organisation, juin 1988, 21 p., p. 9