7.2.2.3. L’évaluation des investissements immatériels

Les actions de développement de l’immatériel engagés par l’entreprise ou l’organisation, bien que présentant les caractéristiques des investissements, ne sont pas considérées comme tels par les méthodes classiques de comptabilisation. Ces défauts dans l’évaluation ont des conséquences sur les décisions de gestion dans la mesure où les systèmes d’information de l’entreprise sont incomplets. Savall, (1974 630 ) et Marchesnay (1993 631 ) montre que le manque de comptabilisation des investissements immatériels fausse les calculs de rentabilité. L’entreprise qui opte pour une stratégie de fort investissement immatériel, diminue ses bénéfices, son imposition et va pénaliser le cours de ses actions. Une entreprise qui privilégie les investissements matériels amortissables sur plusieurs années tout en diminuant les investissements immatériels, est à la recherche de résultats immédiats élevés au détriment de la performance à long terme.

Généralement, la comptabilité évalue les investissements immatériels sous trois aspects. Elle prend en compte la part qui correspond strictement au définitions comptables de l’investissement immatériel, par exemple les achats de brevets ou de marques. Ensuite, elle considère la part liée à l’étude et la mise en œuvre de nouveaux produits comme les temps passés par les bureaux d’études et par les essais. Enfin, l’investissement en formation directement lié à la mise en œuvre d’une nouvelle technologie, imputés au budget formation, sont également comptabiliser.

L’évaluation limitée à ces trois parties revient à ne faire apparaître qu’une faible part des investissements immatériels globaux réalisés dans l’entreprise. Ainsi, la part des investissements évincée est enregistrée en charges d’exploitation, alors que les sommes investies auront certainement des retombées positive à moyen et long terme sur la rentabilité et la performance de l’organisation.

En réponse aux difficultés d’évaluation des investissements immatériels, plusieurs solutions de comptabilisation des investissements ont été proposées.

Par exemple, Boisselier (1993 632 ), propose de comptabiliser les investissements immatériels sous deux conditions : si la dépense s’intègre dans un projet aux contours clairement définis et conçu dans une optique de rentabilité et si les sommes investies dans l’immatériel sont analysées de la même manière que dans le cas d’investissement matériel, rejetant ainsi les coûts inhérents lors de la phase de conception du projet.

Selon Pierrat et Martory (1996 633 ), la prise en considération des investissements immatériels en termes de projets et non en termes de dépenses, est plus appropriée à la comptabilisation des investissements immatériels et aux pratiques des entreprise et des organisations. Cette approche ne qualifie pas d’investissements immatériels les dépenses isolées car il est nécessaire de calculer la rentabilité de cette dépense en fonction de son contexte. Ce raisonnement signifie que la nature économique des investissements immatériels est différentes de celle des investissements matériels. Par conséquent, il est impossible de transposer avec succès les pratiques de gestion habituelles aux investissements immatériels.

Face à ces difficultés d’évaluation des investissements immatériels, la méthode socio-économique propose plusieurs axes de réflexion. D’abord, il s’agit de compléter les mesures des investissements déjà existantes, par exemple en tenant un tableau de bord de pilotage extra-comptable recensant par exemple le coût des actions liées au perfectionnement du management et les investissements liés à l’acquisition et à l’amélioration des compétences. Ensuite, disposer d’outils et de supports de gestion permettant de piloter l’investissement à différentes échéances et horizons de temps afin qu’il soit producteur d’effets durables. Puis, la mise en œuvre d’actions échelonnées dans le temps garantit la permanence de leurs effets. Enfin, il faut s’appliquer à générer l’énergie et stimuler tous les acteurs de l’entreprise en fixant des objectifs individuels et collectifs, comportant des actions de développement de l’investissement immatériel.

L’enjeu est ici de mesurer le coût et les effets des investissements immatériels, d’en démontrer l’intérêt économique en garantissant sa rentabilité (Savall et Zardet, 1995 634 ).

Notes
630.

Ibid.

631.

MARCHESNAY M., « Management stratégique », Edition Eyrolles, 1993, 200 p.

632.

BOISSELIER P., « L’investissement immatériel, gestion et comptabilisation », De Boeck Université, 1993, 208 p.

633.

Pierrat C. et Martory B., « La gestion de l’immatériel, les leviers de l’entreprise », Nathan, 1996, 283p.

634.

SAVALL H. et ZARDET V., « Ingénierie stratégique du Roseau », 1995, op.cit., p.314