7.3.3.2. Formes et motifs d’ARTT de l’entreprise A

Nous présentons à présent, figure 7-23, les formes d’ARTT mises en place dans l’entreprise A par catégories de personnel.

Figure n°7-23 : Formes d’ARTT par categorie de personnel de l’entreprise A
Catégories Réduction du temps de travail / repos Cycle de travail
Cadres et assimilés 25 jours par an
2 jours de récupération par mois
Cycle de 2 semaines : 1 semaine à 5 jours et 1 semaine à 4 jours
Services fonctionnels 30 jours de repos par an Cycle de 3 semaines : 1 semaine à 5 jours, 1 semaine à 4 jours et 1 semaine à 4 jours
Commercial 25 jours de repos par an Cycle de 2 semaines : 1 semaine à 4 jours et 1 semaine à 5 jours
Magasinier Annualisation du temps de travail : 1723.80/ an Travail 4 jours / semaine (sauf pendant les rois)
5 semaines de congés : 33.15h (165.75 h)
5 semaines de rois : 40h (200h)
42 semaines de travail : 32h (1344 h)
Reste : 14.05h
Chauffeur 30 jours de repos par an 47 semaines à 37 h : 1739 h / an travaillées
PRODUCTION
- Conducteur de ligne (CL)
25 jours de repos par an Cycle de 2 semaines : 1 semaine de 5 jours et 1 semaine de 4 jours
- Techniciens de ligne (TL) et techniciens de production (TP) 30 jours de repos par an Cycle de 2 semaines : 1 semaine de 5 jours et 2 semaines de 4 jours
- Opérateurs 40 jours de repos par an Pointage suivant cycle de travail des équipes de production
Observations sur le cadre de planification :
Le service est ouvert systématiquement le samedi (un samedi par mois minimum travaillé par homme)
Présence du CL, TP, TL et de tous les correspondants fonctionnels les mardi et jeudi
Les jours de repos pour le CL, TL, TP doivent être planifiés les lundi, mercredi ou vendredi
Source : A partir des documents internes de l’entreprise A

Dans le cadre de l’enquête par questionnaire, 44% des accords de l’échantillon étudié s’inscrivent dans le principe du forfait jours pour les cadres et 37% s’inscrivent dans le principe de l’annualisation du temps de travail (Question 40 : Comment est organisée la nouvelle durée du travail pour les catégories… ?)

Même si tous les accords ne s’engagent pas dans la voie du forfait annuel jour pour certains cadres, ils différencient l’ampleur et les modalités de la RTT suivant les niveaux de classifications des cadres, et le degré d’autonomie de leurs fonctions. Ces deux critères ont été repris par le législateur dans la seconde loi Aubry. Pour la catégorie personnel, 46% ont opté pour une organisation en semaine et 38% une organisation annualisée.

Enfin, nous présentons de manière synoptique, figure 7-23 les motifs d’ARTT de l’entreprise A.

Figure n°7-24 : Motifs d’ARTT de l’entreprise A
Acteurs Dirigeant Cadres Techniciens
Salariés
Motifs - Allongement du temps d’ouverture de l’entreprise
- Modification de la durée d’utilisation des équipements (travail régulier du samedi)
- Poursuite du développement du juste à temps
- Flexibilité totale des horaires de travail
- Faire face aux exigences des clients (services, souplesse)
- Faire face aux contraintes économiques (meilleure rentabilisation des investissements)
- Amélioration des conditions de vie au travail
- Temps libre
- Amélioration des conditions de vie au travail
- Temps libre
- Réduction de la précarité par l’embauche la transformation des CDD en CDI
Avantages de l’ARTT - Créations d’emplois et qualité de vie au travail
(engagement de création de 110 emplois 10% offert par l’accord, en fait création de 250 emplois au bout d’un an, car stimulation d’une croissance très forte)
Réduction du temps de travail de 15% - Réduction du temps de travail de 15%
- Heures supplémentaires sur le solde de l’année
- 30 jours de repos par an
- normalisation de la partie variable pour tous les métiers de la force de vente à 1500F
Efforts ARTT - Réduction du temps de travail pour tous : - 15%
- Diminution du temps de travail individuel
- 1723.80 h/an au lieu de 2028 h soit 33.15 h / semaine
- la moyenne des primes variables -1500F est réintégrée dans le fixe
Baisse des salaires de 5% en moyenne - Baisse des salaires de 5% en moyenne
- Annualisation du temps de travail (modulation)
- Pas de majoration des heures supplémentaires chaque semaine
- Délai de prévenance des changements d’horaires : 1 semaine
Observations Lors de la négociation certains outils ont été utilisés pour présenter l’accord :
un bulletin de paie simulé-personnalisé remis à chacun des salariés avant la signature de l’accord
des choix d’organisation de travail (plannings)
organisation d’un référendum sur la réduction du temps de travail :
Nombre d’inscrits : 206 personnes
Participation : 161 personnes (dont, 96 en Production, 42 en Commercial, 13 en Gestion et 10 en transport)
Les résultats ont été les suivants : « Je ne suis pas favorable » : 37 bulletins (23% des votants), « Je suis favorable » : 124 bulletins (77% des votants)
Source : A partir des documents internes de l’entreprise A

L’option prise par l’entreprise A a été d’utiliser la réduction du temps de travail dans un contexte offensif de création de nouvelles fonctions, d’intégration des personnels temporaires et d’augmentation de la production. Dans le cadre d'une stratégie sociale innovante et proactive, l’entreprise A s’est donc engagée, dans le cadre de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 à réduire sa durée initiale de travail de 15 % et d’annualiser les horaires, soit de passer d’un horaire hebdomadaire de 39 heures à un horaire moyen de 33,15 heures et à procéder à des embauches compensatrices (30 personnes embauchées sur le site étudié). L’ARTT semble avoir une influence positive sur la dimension sociale de l’entreprise dans la mesure où le volume d'effectifs équivalents temps plein pour la période 1994-1997 connaît une croissance de 20%. Cette idée se trouve renforcée au regard de l’évolution des contrats à durée indéterminée qui augmentent de 15 % sur la même période. Les indicateurs sociaux confirment également une baisse du taux moyen d’absentéisme de 6.7% à 4.8% et un accroissement des actions de formations 1.8% à 3.9% pour la période 1994-1997.

L’ARTT a profité à la catégorie « employés », ils représentent à eux seuls en 1997, 24 % de l’effectif moyen de l’entreprise contre 13 % en 1994. Pour cette même période la population « cadres et assimilés » augmente de 3 à 4%. La catégorie « agents de production » connaît quant à elle une baisse de ses effectifs qui peut s’expliquer notamment par un déplacement d’une partie de cette population vers la catégorie « employés » (22% en 1994 et 12% en 1997).

Concernant l’enquête par questionnaire, la question 37 (L’ARTT s’est il accompagné de créations d’emplois ?) nous renseigne sur ce point. 75% des accords signés s’accompagnent de créations d’emplois contre 21%. Ces accords s’inscrivent dans un volet offensif de la loi. Cependant, 37% d’entre eux, estiment que les créations d’emplois ne sont pas liées à la simple réduction du temps de travail mais à la croissance de l’activité de l’entreprise. 37% ne se sont pas prononcés sur cette question, nous interprétons ce taux important de non-réponses, comme un manque de recul sur leur activité. De plus, dans le cadre de la signature d’un accord d’un volet offensif de la loi (créations d’emplois), l’entreprise signataire bénéficie d’exonérations de charges de sécurité sociale, on peut sans doute avancer l’idée que dans un grand nombre de cas, l’effet d’aubaine n’est pas à exclure. Comme toutes les mesures d’aide à l’emploi (Cavagna et Noguera, 1998 678 ), la signature d’un accord d’ARTT volet offensif peut constituer une véritable aubaine pour le chef d’entreprise.

Pour mettre en place un dispositif d'ARTT, la loi sur la nouvelle réglementation du temps de travail oblige les entreprises et les organisations à conclure un accord entre la Direction d'une entreprise ou d'un établissement et les organisations syndicales. Les conséquences de l’ARTT sont fortement dépendantes pour les entreprises et les organisations : du processus de négociation, du contenu de l’accord et du développement des activités. L'élaboration d'un support pédagogique par l’encadrement permet de faciliter la négociation et d'instaurer une réflexion sur les actions concrètes à mettre en œuvre pour accompagner la réduction du temps de travail.

La consultation de l'ensemble du personnel par référendum est un outil utile pour la négociation. Le référendum a été utilisé par les entreprises A et F de notre base expérimentale. L’organisation d’un référendum a pour objectif d’une part, de s’assurer de l’adhésion des salariés au contenu de l’accord signé avec les organisations syndicales et d’autre part, de créer une dynamique dans l’entreprise.

La question 26 du questionnaire (Par quels moyens le personnel a-t-il été consulté ?), 11% des entreprises ont trouvé utile de consulter le personnel par voie référendaire, 33% ont mis en place des groupes de travail, 26% par annonce orale générale, 14% par diffusion de questionnaires et 12% de manière informelle.

L’enjeu, pour cette entreprise, a résidé dans la négociation de la flexibilité du temps de travail, via notamment le développement et la mise en œuvre de la modulation du temps de travail pour permettre une meilleure adaptation des ressources à la fluctuation des marchés et de la charge. C’est bien le triptyque - réduction, aménagement ou flexibilité du travail et gestion de l’emploi - qui constituait la réduction du temps de travail. La stratégie de l’entreprise a consisté à se saisir de la réduction du temps de travail pour négocier la modernisation de l’organisation, le développement de la souplesse et de la proactivité de l’organisation du travail et la productivité du travail. La mise en place de l’annualisation a permis d’optimiser l’adaptation des horaires de travail aux contraintes organisationnelles propres aux cœurs de métiers et aux contraintes de fonctionnement de chaque secteur du groupe. La modification des horaires collectifs avec l’extension du travail le samedi, en contrepartie de la RTT, a permis de rentabiliser les équipements et outillages et d’optimiser les plages d’intervention de la maintenance sur les périodes de non-utilisation des équipements. Le principe d’annualisation permet effectivement de développer la souplesse de l’appareil de production et d’adapter les ressources humaines aux demandes de la clientèle et ainsi permet d’optimiser la gestion des coûts du travail en ajustant au plus près les ressources aux besoins. Dans l’esprit du dispositif réglementaire, la récupération des heures supplémentaires se substitue à leur paiement, au-delà de la durée annuelle, via les repos compensateurs.

Notes
678.

CAVAGNA E. et NOGUERA F., « Une évaluation du dispositif contrat initiative-emploi à Montpellier », Revue de l’Economie Méridionale, Vol.46, n°181-182, 1998, 207 p., pp. 165-191