Conclusion du chapitre 7

Ce chapitre s’est intéressé à la question du pilotage global du projet d’ARTT, la dimension instrumentale (quels sont les outils et dispositifs utilisés ?) et sa dimension organisationnelle (quels sont les acteurs qui interviennent dans ce processus ?).

Nous avons d’abord montré l’intérêt du management participatif dans la mise en œuvre concertée d’une démarche d’ARTT. Il permet en effet de développer la responsabilisation et la mobilisation des acteurs autour du projet, ce qui paraît être un enjeu majeur dans l’organisation de la mise en place de l’ARTT. Après avoir posé le principes et les objectifs du projet, nous avons présenté la méthodologie et le mode opératoire du projet d’ARTT grâce à la présentation des résultats expérimentaux de la recherche effectuée au sein des entreprises de notre base expérimentale : les acteurs et la structure du groupe de projet, le cahier des charges stratégique, la planification ainsi que le contenu du projet d’ARTT. Nos recherches expérimentations nous ont permis ainsi de montrer que le recours au management par projet pour susciter un apprentissage peut constituer une grille de lecture intéressante permettant de mieux comprendre la dynamique de changement et d’évolution des comportements collectifs dans les entreprises, ou encore, comme dit Morgan (1989 679 ), « l’organisation est un système qui se construit lui-même et qui se met en cause tout en offrant un rôle premier aux acteurs dans ce processus ».

La seconde section de ce chapitre porte sur l’instrumentation et le pilotage stratégique du projet d’ARTT. Nous développons ainsi, à travers nos expérimentations, des outils de management permettant de piloter un projet stratégique sur l’ARTT. A partir du cas de l’entreprise D (Groupe de librairies 1) nous présentons un premier outil pour la conduite du projet d’ARTT dénommé : la grille critères/options combinés. Il s’agit d’un tableau croisé permettant d’introduire des critères jugés pertinents pour conduire des transformations dans le cadre de l’ARTT, et de chercher concrètement pour chacun de ces critères les options stratégiques possibles. Cela permet de formaliser un scénario de réorganisation du temps de travail. Nous montrons ensuite à partir du cas de l’entreprise E (Groupe de librairies 2) l’intérêt de réaliser une balance économique préalablement à la mise en place de l’ARTT. La balance économique du projet d’ARTT permet une évaluation prévisionnelle des investissements matériels et immatériels liés aux solutions proposées et de la réduction de coûts cachés (surtemps et non-productions). Nous présentons ensuite le récapitulatif des estimations de coûts-performances cachés ainsi que le résultat net du projet de l’entreprise E. Ces résultats montrent que les réserves de productivité (surtemps et non-productions) évaluées par la méthode de coûts cachés permettent de réduire le temps de travail en rendant un volume et une qualité de service inchangés, puisque les actions proposées dans le cadre du projet d’ARTT permettent de dégager des gains de temps suffisants pour autofinancer le passage de 39 à 35 heures (gains de temps supérieur à 100 heures).

Pour répondre à la question du comment intégrer l’ARTT dans la stratégie globale d’une entreprise, nous développons un outil de formalisation et de pilotage du projet stratégique d’une organisation : le plan d’actions stratégique et opérationnel.

Nous montrons à partir de l’illustration de l’entreprise I (office notarial) et de l’entreprise A (entreprise industrielle de la viennoiserie) que le plan d’actions stratégique prend une place fondamentale dans l’instrumentation stratégique de l’ARTT car il intègre les acteurs internes et externes, impliquent l’encadrement, y compris l’encadrement de proximité, dans la préparation de la mise en œuvre de l’ARTT. Il sert enfin de fondement des couples objectifs-moyens.

Nous abordons dans le dernier paragraphe de cette section la question de l’évaluation et du pilotage social des potentiels humains de l’organisation dans une démarche d’ARTT. A partir du cas de l’entreprise D (Groupe de librairies 1), nous avons mis en évidence l’intérêt de la grille de compétences. Nous avons utilisé cet outil afin de recenser le potentiel stratégique en termes de compétences mais nous avons adapté cet outil à notre problématique de recherche sur le temps de travail en valorisant sur la grille les ressources temps nécessaires à la réalisation de chaque opération. Comme nous l'avons évoqué dans le texte, la grille de compétences n'est pas simplement une réponse en terme d'outil de gestion à la mise en place des 35 heures, mais c'est aussi et avant tout, une logique de gestion qui offre une lecture et une analyse permettant d'imaginer et de trouver de nouvelles sources de performance individuelle et collective et pouvant être une réponse possible aux impacts de la réduction du temps de travail. C’est une réflexion nécessaire d'anticipation quant aux compétences dont l'organisation aura besoin demain. Il s'agit donc de ne plus subir mais de s'inscrire dans une dynamique d'anticipation et dans une gestion stratégique de ses ressources humaines.

Ainsi, l’instrumentation de l’ARTT, nécessite de mettre en place une démarche participative de conduite de projet. La conduite du projet stratégique d’ARTT doit être instrumentée, au travers d’outils de management tels que : la grille critères-options combinés, le plan d’actions stratégique et opérationnel et la grille de compétences. Mais la réussite de ce projet suppose que l’entreprise définissent en préalable le cadre de mise en œuvre de l’ARTT. La dernière section de ce chapitre analyse la manière dont l’ARTT a pu être intégré dans la stratégie des entreprises. En nous appuyant sur le cas de l’entreprise A (entreprise industrielle de viennoiserie), nous montrons que la réussite d’un projet d’ARTT suppose d’identifier préalablement ses enjeux économiques, sociaux, organisationnels et de management pour les différentes parties prenantes. Nous présentons ensuite le contenu, les formes mises en place et les motifs de l’ARTT. Le croisement des résultats expérimentaux avec les résultats de l’enquête par questionnaire montre, que bien que les stratégies d’entrée adoptées par les entreprises se conjuguent et ne soient jamais totalement explicites, nous observons que c’est bien le triptyque : réduction - aménagement ou flexibilité du travail et gestion de l’emploi - qui constitue la réduction du temps de travail.

Notes
679.

Morgan G. « Images de l’organisation », Les presses de l’Université de Laval, Editions ESKA, traduction en anglais par CHEVRIER-VOUE S. et AUDET M., 1989, 556 p.