8.3.4. analyse des resultats quantitatifs et financiers du projet d’ARTT

Nous présentons à présent, les résultats quantitatifs et financiers de l’évaluation réalisée dans les entreprises A et B.

8.3.4.1. L’évaluation quantitative et financière dans l’entreprise A

Afin d’évaluer les impacts économiques de l’ARTT, nous avons choisi d’étudier l’évolution de la contribution horaire à la valeur ajoutée (ou marge) sur coûts variables 711 entre 1994 et 1997. Cet indicateur permet d’évaluer la création de valeur ajoutée globale réalisée par l’ensemble des acteurs de l’entreprise depuis la mise en place de l’ARTT. Le calcul de la contribution horaire à la marge sur coûts variables de l’entreprise permet de faire une évaluation transversale par rapport au découpage structurel de l’entreprise. La question essentielle est de connaître la création de valeur économique du temps humain investi dans l'activité de l'entreprise. La valeur de chaque heure de travail est destinée à couvrir non seulement le salaire de l'intéressé, mais aussi les charges de structure et le résultat. Lorsqu'un salarié passe une heure à produire un objet matériel, c'est cette valeur économique qu'il dégage pour l'entreprise (Savall et Zardet, 1998 712 ).

L’étude de l’évolution de la contribution horaire à la valeur ajoutée (ou marge) sur coûts variables montre une forte croissance : 7% la première année, 14% l'année suivante et 20% entre 1996 et 1997 713 .

Pour l’entreprise A, l'année 1994 représente l'année qui précède la mise en œuvre du projet d'ARTT. 1995 est l'année du changement et de la réorganisation du temps de travail. Notre étude fait apparaître que ces deux années correspondent à une phase de transition, une période pendant laquelle l’entreprise réalise de nombreux investissements matériels et immatériels (achat de nouvelles machines, agrandissement de l’usine, mobilisation dans le projet…).

C’est à partir de 1997 que l’entreprise A bénéficie des effets positifs liés à ces transformations temporelles et organisationnelles. L'impact de l'ARTT sur la productivité se révèle très positif. L'entreprise bénéficie à la fois de résultats immédiats qui se traduisent par une augmentation des gains de productivité, de l'efficacité, de la compétitivité, de la rentabilité et de création de potentiel (création de nouveaux produits, technologies nouvelles, compétences des hommes). L'augmentation de la part des investissements immatériels (mobilisation dans le projet, communication et concertation, réorganisation, formation, stimulation des ventes) explique cette évolution. L'investissement dans de nombreuses actions de formation et d'accompagnement dirigé à la fois vers l'encadrement et le personnel de base a été générateur de créations de potentiels pour l'entreprise.

Les charges variables connaissent parallèlement, une hausse sur la même période, mais elles augmentent beaucoup moins vite que le chiffre d’affaires. Il y a une réelle maîtrise des achats de matières premières et autres approvisionnements par l’entreprise. Une maîtrise qui peut s’expliquer soit par une baisse du prix des matières premières, soit par une augmentation du pouvoir de négociation de l’entreprise avec ses fournisseurs, soit enfin par une meilleure organisation du travail qui permet de réduire les pertes, ou qui résulte encore d'une amélioration du taux de rebuts. Le nombre d’heures attendues connaît quant à lui, entre 1994 et 1995 une baisse de 3,5%. Cette période est marquée par l’entrée du dispositif qui s’est accompagné d'une réduction de 15 % du temps de travail ; cette réduction sera par la suite compensée par des embauches (+ 1,7 %).

La mise en œuvre de l’ARTT a permis une amélioration sensible de la compétitivité de cette entreprise sur trois critères clés :

  • la baisse des coûts : cette baisse est liée d’abord aux économies réalisées par la mise en place de l’annualisation du temps de travail (baisse des coûts des stocks, des heures supplémentaires, de l’intérim, du chômage partiel), ensuite aux économies liées à la loi quinquennale et à la loi de Robien (exonérations de charges patronales sur sept ans, diminution de la rémunération de 2%…), enfin, aux économies liées à la réduction des pertes et à l’amélioration du taux de rebuts.
  • la réduction des délais : l’ARTT permet de s’adapter aux variations des ventes sans être en rupture de stock.
  • l’amélioration de la qualité : elle est liée à l’amélioration de la qualité des produits (fraîcheur des produits) et à une amélioration de l'image de marque de l'entreprise auprès de ses clients actuels ou potentiels, grâce à un important investissement dans la publicité qui a eu des effets très positifs.

La mise en place de l'annualisation du temps de travail et l’augmentation de ses capacités d'adaptation par une meilleure utilisation des équipements ont permis ainsi de réduire les délais de livraison et augmenter l’amplitude des temps de service offert aux clients.

Les réorganisations productives mises en place à l’occasion de la négociation de l’accord ont approfondi les formes de rationalisation de la production. A côté de cette flexibilité quantitative, l’entreprise A a développé une flexibilité qualitative, qui porte sur le niveau et l’étendue des qualifications et des compétences des employés et sur leur degré d’autonomie dans l’organisation (Tarondeau, 1999 714 ). Enfin, une plus grande responsabilisation des cadres et du personnel dans leurs activités a contribué à améliorer les performances de l'organisation.

La forte croissance de la contribution horaire à la valeur ajoutée (ou marge) sur coûts variables qui se traduit par une amélioration de la compétitivité et des gains de productivité, s’explique pour partie par une maîtrise des charges variables et pour autre partie par un retour sur l’investissement immatériel, obtenu par effet progressif d’apprentissage d’un nouveau mode de fonctionnement qui a permis un suppression de certains dysfonctionnements.

Notes
711.

La contribution horaire à la valeur ajoutée (ou marge) sur coûts variables (CHMCV) = chiffre d’affaires - charges variables = MCV/nombre d’heures attendues par an.

712.

Savall H. et Zardet V., « Un indicateur de veille stratégique de la création de valeur : la contribution horaire à la valeur ajoutée sur coût variable ou marge sur coût variable », 14ème Journées Nationales des IAE, Nantes, 27 et 28 avril 1998, 18 p.

713.

Pour plus de précisions dans l’analyse de nos résultats, nous avons déduit l’aide directe de l’Etat accordée dans le cadre de l’accord sur la réduction collective du temps de travail. Nous avons ainsi déduit du chiffre d’affaires cette ressource extérieure.

Le montant de l’aide globale accordé par l’Etat pour la signature d’un accord d’ARTT dans le cadre de la loi quinquennale s’élève pour la période juillet 1995 à octobre 1996 à 3 245 428 F. Pour la période novembre et décembre 1996, l’Etat a versé une aide de 356 216 F. Enfin, le montant total de l’aide pour l’année 1997 s’élève à 2 221 695 F, ces deux derniers versements viennent en diminution des charges patronales URSSAF.

714.

TARONDEAU J-C., « La flexibilité dans les entreprises », Que sais-je ?, PUF, 1ère Edition, 1999, 127 p.