8.4.2. l’implication et la mobilisation du potentiel humain

Les travaux récents sur l’implication organisationnelle s’accordent pour reconnaître la multidimensionnalité de la notion d’implication des salariés : travail, emploi, métiers, organisation, carrière. Le concept d’implication organisationnelle a fait son apparition dans la recherche en France dans les années 80, alors que de nombreuses études anglo-saxonnes y étaient consacrées dès les années 70. Depuis l’implication mobilise l’intérêt des chercheurs et des praticiens et un nombre important de recherches a été consacré à son étude. Il correspond à la traduction française, communément admise, du mot « commitment » (Neveu, 1991 715 ). La notion d’implication est utilisée dans la littérature managériale pour exprimer les formes différentes d’implication, expliquant un aspect particulier de la relation de l’individu à l’organisation.

Le travail de synthèse de la littérature anglo-saxonne réalisé par Thévenet (1992 716 ) est à l’origine du développement de la notion d’implication dans la recherche en gestion en France. Reprenant Thévenet, l’implication peut être définie en trois points : « l’implication représente une orientation des personnes… », « l’implication dans l’organisation traduirait le lien entre l’identité de la personne et celle de l’organisation », « l’implication n’est pas qu’un état passif mais une prédisposition à agir. L’implication pousse la personne à agir dans le sens de l’organisation ».

Cette définition aborde l’implication selon une approche dynamique, un processus, celui-ci n’étant pas considéré comme un simple état.

C’est en ce sens que nous considérons que le potentiel humain prend un rôle clé dans un projet d’ARTT fondée sur les ressources. Ledit « facteur travail » étant éminemment vivant et actif ou réactif, comparé au « facteur capital » inerte, la ressource humaine constitue dès lors un levier stratégique primordial et majeur pour l’activation stratégique de l’entreprise (Delattre, 2001 717 ).

Nous partons de l’hypothèse selon laquelle l’implication et la mobilisation des hommes est un facteur qui joue sur l’efficacité stratégique d’une entreprise ou d’une organisation. Le facteur humain apparaît comme un facteur de succès dans la mise en œuvre du changement (Boyer et Equilbey, 1990 718 ). Ainsi, le projet aurait pour rôle de valoriser et mobiliser le potentiel humain qui lui-même constitue une condition de réussite du projet. Boyer (1992 719 ) insiste sur cette mobilisation nécessaire à toute démarche de projet, le projet d’entreprise ayant pour lui un rôle de « valorisation de la ressource humaine et de motivation par la prise de conscience de la contribution de chacun ».

L’implication et la mobilisation du potentiel humain représentent des variables fondamentales dans l’ingénierie du management stratégique de l’ARTT.

L’ingénierie du management stratégique de l’ARTT marque le lien entre la formulation et la mise en œuvre par le biais de la participation au processus stratégique d’un plus grand nombre d’acteurs dans l’entreprise. A la limite, chacun dans l’entreprise devrait pouvoir « s’approprier la stratégie » pour reprendre l’expression de Rajaud (1984 720 ). Nos résultats ont montré que l’implication et la participation de la direction, de l’encadrement, du personnel et des représentants du personnel facilite la conduite de la négociation entre les partenaires sociaux et l’identification des intérêts à la fois communs et propres à chaque acteur de l’organisation.

Nous avons observé, à travers les résultats d’expérimentation, qu’un projet stratégique d’ARTT, impliquant plusieurs niveaux hiérarchiques et catégories de personnel et de logiques différentes, permettait de les mobiliser et de les responsabiliser dans leur travail. A cet égard, Thiétart (1984 721 ) parle d’une nécessaire « animation des hommes » dans la phase de mise en œuvre car ce sont, en définitive, les hommes qui vont mettre en œuvre le projet et faire fonctionner l’organisation. La mise en œuvre de l’ARTT passe également par l’implication de la fonction de gestion des ressources humaines pour effectivement mener les actions qui ont été proposées dans le cadre du projet (Besseyre des Horts, 1988 722 ).

La mobilisation du potentiel humain ne peut se faire sans une volonté politique forte de la Direction. Le dirigeant est le premier agent de changement. C’est lui qui donne le sens à l’action entreprise et au projet de l’organisation. L’implication et l’attitude du dirigeant en tant qu’initiateur du projet ont en effet, valeur d’exemple et jouent un rôle déterminant dans la structuration progressive et itérative des décisions et règles qui seront adoptées dans le cadre de la réduction et réorganisation du temps de travail.

Notes
715.

Neveu J.P., « Méthodologie de l’implication », Actes du colloque de l’AGRH, Cergy, 1991, p.141-144.

716.

THEVENET M., « Impliquer les personnes dans l’entreprise », Paris, Editions Liaisons, 1992, 205 p., p. 198.

717.

DELATTRE M., « Redressement d’une entreprise en difficulté par activation de son potentiel humain : cas d’une entreprise de traitement de poisson », Gestion 2000, Bimestriel 5, septembre-octobre 2001, pp. 55-71.

718.

Boyer L. et Equilbey N., « Histoire du management », Les Editions d’Organisation, coll. « E.O. Sup », 1990, 192 p.

719.

Boyer L., « Le projet d’entreprise : d’un management quantitatif à une approche culturelle de l’entreprise », Encyclopédie du Management, Tome 2, Vuibert, 1992, pp. 519-525.

720.

Rajaud Y., « L’appropriation psychologique de la stratégie », Revue Française de Gestion, Mars-Avril-Mai, 1984. pp. 26- 30.

721.

Thiétart R.A., « Stratégie d’entreprise », Paris, McGraw-Hill, 1984, 185 p., p.167.

722.

BESSEYRE des HORTS C.-H. « Vers une gestion stratégique des ressources humaines » préface de Robert Bousquet, Grand prix de l’institut ADIA 1988, Les éditions d’organisation, 224 p., p.69.