1ère partie
Les composantes cognitives du jeu d’échecs

Considéré comme une activité mettant en jeu de nombreuses facettes de l’activité cognitive, le jeu d’échecs fait depuis longtemps l’objet d’études en psychologie expérimentale.

Entre Binet et son travail sur les protocoles verbaux des grands maîtres jouant sans voir l’échiquier (1894) et l’étude, dans le domaine des neurosciences cognitives, d’Amidzic et al. (2001) impliquant la tomographie par émission de positons et mettant en lumière l’organisation spécifique de la mémoire à long terme des experts, toutes les formes d’études ont été mises en oeuvre. Le jeu d’échecs est apparu comme la drosophile des cognitivistes selon l’expression de Charness (1992) dans son travail de recension de la littérature rendant compte des expériences conduites depuis le travail pionnier de De Groot (1966) et de Chase et Simon (1973) : « ‘chess could act as a model organism for cognitive psychology, a kind of drosophila fruitfly’. »

Au cours des trente dernières années, l’essentiel de ces études a porté sur les composantes de l’expertise - perception, organisation de la base de connaissances, analyse en profondeur et stratégie - et peu sur les mécanismes du développement de l’habileté échiquéenne, à fortiori au regard des processus cognitifs de l’enfant et de la différenciation entre joueurs et non-joueurs.

En dépit de leur remarquable contribution, ni De Groot, Chase et Simon, ni Charness, Chi, Gobet ou Krogius, n’ont abordé les échecs sous cet angle. Tous ont en effet travaillé sur un paradigme expert-novice et élaboré une véritable théorie de l’expertise, singulièrement au regard de l’organisation de la mémoire à long terme.

Quelques rares travaux ont toutefois essayé de répondre à la question de l’utilité, pour un projet pédagogique, d’utiliser les échecs en vue de faciliter la compréhension d’autres disciplines et de profiter de la dimension ludique de cette pratique pour motiver l’enfant. Ceux-ci ont principalement concerné les rapports entre la discipline des mathématiques et les échecs. Nous les analyserons dans le corps de notre première partie.

Nous présenterons dans une première sous-partie les travaux ayant porté sur les diverses composantes cognitives recrutées par les échecs. Une deuxième sous-partie sera consacrée aux travaux qui ont eu pour objet d’établir les liens pouvant exister entre aptitudes intellectuelles et pratique échiquéenne, et aux recherches dédiées à la pratique chez l’enfant et l’adolescent traitant des liens entre celle-ci et l’éducation.