32 La nature des processus multiples intervenant dans le chunking, la mise en évidence des liens entre chunking et base de connaissances

Les expériences de Goldin (1978, 1979)

Pour avancer dans cette recherche, Goldin propose d’emprunter le paradigme le plus couramment retenu dans les protocoles portant sur la profondeur et les niveaux de traitement (Craik & Lockhart, 1972). De nombreuses expériences ont démontré que la performance du rappel était améliorée dans le cas où la tâche effectuée était orientée par l’apport d’informations donnant un sens à l’organisation du matériel à mémoriser (Hyde & Jenkins, 1973) par opposition à des informations supplémentaires ne portant que sur les aspects de surface. Les tâches qui nécessitent une analyse en profondeur et l’élaboration d’un schéma structurel du matériel utilisé conduisent à une meilleure mémorisation. Lorsqu’une tâche invite à un encodage des aspects sémantiques des stimuli, l’entrée en mémoire et la récupération est sensiblement améliorée, y compris dans les cas où la nature de ces apports sémantiques est visuelle, par exemple en reconnaissance faciale (Bower & Karlin, 1974).

Le protocole bâti par Goldin consistait pour les sujets (ELO moyen à 1825) à analyser un bloc de six positions et à décider pour chacune le meilleur coup à jouer. La tâche de la condition contrôle consistait à simplement compter le nombre des pièces noires de la position, puis le nombre des pièces blanches. Le rappel pour chaque bloc intervenait après une tâche interférente de 10 minutes destinée à minimiser l’intervention de la mémoire à court terme, consistant en une discussion à bâtons rompus sur les joueurs d’échecs. Le design retenait quatre blocs. En plus de l’efficacité du rappel exprimé en nombre de pièces rappelées, le taux de confiance dans la qualité du rappel était mesuré.

La variable ‘’nature de la tâche’’ s’avère significative : le rappel des positions ayant fait l’objet d’une recherche du coup à jouer est supérieur à celui des positions de la condition comptage des pièces. Elle l’est également pour le taux de confiance : les taux sont plus élevés pour la condition recherche du coup à jouer que pour la condition comptage des pièces.

Goldin répliqua cette expérience avec un protocole légèrement modifié. La condition d’analyse en profondeur consistait cette fois-ci à décider lequel des deux camps était dans la meilleure situation, c’est-à-dire avait l’avantage. Les sujets (ELO moyen de 1900) disposaient de 90 secondes. Il y avait deux conditions contrôle. La première consistait en la reproduction en 90 secondes, pièce après pièce, de la position sur un échiquier posé à côté de l’écran sur lequel la position était présentée (23 pièces, tâche semblable à celle retenue par Chase et Simon). La seconde demandait au sujet de rappeler la position colonne par colonne. Une tâche interférente d’une durée de 10 minutes séparait l’exposition des positions du rappel.

Le tableau des résultats fait apparaître un effet significatif de la variable ‘’analyse en profondeur’’ sur le taux de rappel. L’analyse de variance ne dégage pas, en revanche, d’effet des conditions 1 et 2 sur le taux de rappel. L’interaction ‘’analyse en profondeur’’*’’niveau’’ n’est pas significative, ce qui atteste que la variable évaluation a joué pour les trois catégories de sujets.

Tableau 3 : Taux d’exactitude du rappel et de confiance selon les conditions et le niveau des joueurs. d’après Goldin (1978, p.664). (l’indice de confiance est calculé sur 10).
Niveau Variable intra Cond. rappel colonne par colonne Cond. rappel pièce par pièce Cond. évaluation de l’avantage
ELO 1920 Taux exact rappel 70,8 83,4 87,5
Indice de confiance 7,17 7,35 9,90
ELO 1373 Taux exact rappel 54,1 70,8 70,8
Indice de confiance 5,01 4,18 6,40
Débutants (< ;1100) Taux exact rappel 50,0 58,4 75,0
Indice de confiance 5,3 5,1 5,1

L’auteur relève toutefois le faible écart entre les trois conditions chez les sujets ayant le plus fort classement ELO. Elle interprète cela en considérant qu’il y a là une preuve que la reconnaissance de patterns est un processus très rapide, automatisé et difficile à inhiber, conclusion posée avant elle par Chase et Simon.

Dans une autre série d’expériences, Goldin (1978b) met en évidence que certains chunks sont plus aisément mémorisés que d’autres, ceux qui sont les plus prototypiques, tel, par exemple, le chunk du Roi roqué avec sa garde ( cf. figure 11). Ceci prédirait une organisation en mémoire à long terme selon la fréquence et le schéma prototypique. Holding (1985) vérifiera cette hypothèse par une expérience dans laquelle l’analyse des erreurs permet de voir que la structure du chunk est préservée dans le cas où la localisation est erronée. En d’autres termes si une pièce était rappelée sur une case voisine de la case réelle, l’ensemble du chunk était repositionné ou transposé pour garder le sens au chunk, chacune des pièces étant placée sur une case voisine.