2ème sous-partie
Jeu d’échecs et développement des habiletés cognitives de l’enfant

De longue date, l’enseignement du jeu d’échecs en milieu scolaire a fait l’objet d’initiatives, d’études et de controverses. Dans certains pays, l’apprentissage du jeu d’échecs en milieu scolaire a été inscrit au programme des matières enseignées dans le but explicite de développer certaines facultés de l’enfant.

En France, à la fin des années 70, des textes officiels de l’Education Nationale ont consacré l’intérêt du jeu d’échecs pour le développement de certaines capacités de l’enfant, et quelques Académies et IUFM ont initié des travaux de validation des hypothèses avancées dans ce domaine. Nous mentionnerons notamment ce qui a été réalisé durant plusieurs années en Alsace. Mais tout ceci est resté exceptionnel, la pratique du jeu d’échecs en milieu scolaire n’ayant jamais fait l’objet de recherches approfondies sous l’angle du développement cognitif.

Au cours des années récentes, en France, cet apprentissage a connu un regain dans les écoles primaires et a souvent été intégré par les équipes pédagogiques travaillant avec des enfants de 7 à 12 ans, plus rarement dans les collèges.

Les observations empiriques ont porté essentiellement sur les rapports entre les mathématiques et la discipline échiquéenne. C’est dans ce domaine des mathématiques que l’apport des échecs a été le plus mis en avant du point de vue de :

Mais l’examen des thèses portant sur le jeu d’échecs témoigne, à défaut de multitude des travaux, de la diversité d’approche du sujet.

On peut s’intéresser à l’usage en pédagogie des échecs dans une optique de développement de certaines capacités intellectuelles transversales de l’élève, comme l’a fait Engel (1982) : « Le jeu d’échecs et la pédagogie. » [Thèse en Sciences de l’Education, Strasbourg, 1982]. Villar Marques de Sa (1988), dresse un panorama de la présence de ce jeu dans les systèmes scolaires de tous les pays : « Le jeu d’échecs et l’Education nationale. Expériences d’enseignement échiquéen en milieux scolaire et périscolaire. » [Thèse en Sciences de l’Education, Paris IV, 1988].

Plus proche des méthodes de la psychologie expérimentale, Roos (1984) (« Le jeu d’échecs et le joueur d’échecs en psychologie expérimentale et psychophysiologie. » [Thèse en Médecine, Strasbourg, 1984] et Getz ( « Stratégies et base de connaissances dans le développement d’une habileté cognitive. » [Thèse en Psychologie cognitive, 1993, Paris V] ont fait le point sur les diverses études dans une approche développementaliste.

On relèvera également l’approche psychanalytique fortement présente dans ce jeu, telle que l’a analysé Dextreit (« Le jeu d’échecs dans le champ psychiatrique. Etude du jeu dans ses rapports avec la psychologie, la psychanalyse, la psychanalyse, la psychopathologie et la thérapeutique. » [Thèse Médecine, Besançon, 1978].

Ces citations faites, il faut objectivement reconnaître l’intérêt plus que relatif en France pour ce secteur d’études et de recherches. L’interdisciplinarité a souvent pour corollaire le caractère moins attractif d’un secteur de recherche, même si, d’un point de vue scientifique, on ne peut que le regretter. Et la France se distingue, à la différence des pays anglo-saxons, par la faiblesse du nombre de travaux et de recherches sur les échecs chez l’enfant et chez l’adulte. Moins de un pour cent des références de travaux et publications sur les mots clés échecs et enfants dans les grandes bases de données (Psyclit, Erik...) sont françaises.

Pourtant, un examen exhaustif des publications dans les revues dédiées aux sciences cognitives révèle que les échecs ont été utilisés comme support de recherches sur le fonctionnement des capacités de haut niveau en situation de tâches complexes, offrant un objet d’études idéal par la variété et la nature des activités cognitives qu’ils recrutent. Ceci fait que les échecs ont essentiellement servi à bâtir la théorie de l’expertise, ce que nous avons illustré dans notre première sous-partie, l’approche développementale ayant été laissée pour compte.

Comme l’écrivent Frensch et Sternberg (1991) : ‘« La recherche a adopté presque exclusivement une approche comparative des habiletés, c’est-à-dire que la plupart des études ont comparé des joueurs à des niveaux d’habileté différents. Cette approche a négligé le fait de considérer la manière dont les joueurs relativement non expérimentés jouent... En outre on a appris relativement peu sur l’acquisition de l’habileté échiquéenne et sur le fait de savoir si différentes courbes développementales peuvent mener à différents résultats.’ »

Nous présenterons dans un premier chapitre l’historique des analyses et études portant sur les qualités exigées et développées par le jeu d’échecs, avant, dans un second chapitre, de poser l’enjeu en termes cognitifs.