1 – Mémoire et pratique échiquéenne de l’adolescent : les études de Chi (1978) et de Schneider ( 1993)

Chi (1978) dans son étude de référence avait étudié la MCT d’enfants et d’adultes sur un paradigme expert-novice en reprenant le protocole du rappel de positions d’échecs. Elle concluait au fait que la meilleure performance de l’enfant expert sur l’adulte novice dans le rappel de positons échiquéennes réelles et non pas aléatoires était liée à la base de connaissances construite par celui-ci à travers sa pratique et à l’efficience de ses stratégies de mémorisation. Cette habileté au rappel était donc non pas dépendante de l’âge mais de l’expertise, singulièrement de la stratégie de chunking selon la théorie de Chase et Simon (1973). En revanche, s’agissant de l’empan mnésique à court terme, l’auteur mettait en évidence qu’aucun effet de l’expertise n’était constaté et que le schéma général d’une meilleure MCT de l’adulte par rapport à l’enfant était valide nonobstant l’expertise.

L’importance du facteur base de connaissances spécifiques a été vérifiée dans de nombreuses expériences durant une vingtaine d’années. Ce facteur apparaissant beaucoup plus essentiel que ceux relatifs à la capacité intrinsèque de la mémoire ou que les stratégies mobilisées, voire que les capacités de méta-mémoire.

Avant que Schneider et al. (1993) ne décident d’opérer une réplication de son protocole, une étude seulement avait adressé la même question que Chi (1978). Roth (1983) avait obtenu des résultats identiques à ceux de Chi : l’enfant expert est meilleur dans une tâche de rappel de positions échiquéennes que l’adulte novice, mais il est au même niveau s’agissant de positions aléatoires.

Chi pas plus que Roth n’ont dans leur protocole cherché à identifier la nature et le mode de construction de cet avantage, objectifs que Schneider et al.(1993) vont assigner à leur expérience.

Schneider, Gruber et al.,(1993) ont défini un protocole composé de cinq tâches.

message URL IM06.gif

Trois tâches de reconstitution d’une position exposée durant 10 secondes : deux rappels d’une position réelle (par position réelle on entend une position qui correspond à une partie jouée et ayant en conséquence un sens en termes échiquéens ; la désignation en anglais est ‘meaningful chess positions’) en rappel immédiat et en rappel différé, et un rappel d’une position aléatoire (position dont les pièces ont été distribuées sur les cases de façon totalement aléatoire avec le seul respect des règles du jeu). Une tâche contrôle consistait en un rappel d’objets ayant diverses formes géométriques (cylindres, cônes, sphères, cubes) de deux couleurs différentes disposés sur des surfaces dessinées sur un plateau représentant elles-mêmes des formes géométriques (carrés, rectangles et losanges). Cette tâche contrôle s’éloignait par conséquent en tous points de l’échiquier et des pièces d’échecs. Deux autres tâches contrôle étaient réalisées par les sujets, l’une classique d’empan de chiffres, l’autre consistant en la tâche dite du Cavalier (Holding, 1985). Pour les rappels, les sujets disposaient de quatre essais sans limitation de durée, afin de vérifier les éventuelles corrélations entre apprentissage dans la tâche et niveau d’expertise.

L’échantillon comprenait quarante sujets enfants et quarante sujets adultes, répartis pour moitié en experts et novices.

Les analyses faites ont permis de mesurer l’impact de l’expertise mais aussi de dégager des éléments caractérisant la nature de cette expertise.