22 L’aptitude numérique, l’aptitude spatiale, le sens organisationnel et pratique échiquéenne : l’expérience de Frank et d’Hondt (1979) .

La deuxième étude dont nous disposons sur les liens entre les habiletés cognitives et la pratique et le rythme d’apprentissage échiquéens chez l’enfant est celle de Frank et d’Hondt (1979). Elle présente un double intérêt. D’une part, elle est réalisée sur une classe entière et pourrait échapper à priori au reproche de biais expérimental de la plupart des études qui ont été consacrées à des sujets qui avaient fait le choix volontaire de pratiquer les échecs. D’autre part, elle a concerné des scolaires d’un pays non européen, le Zaïre.

Quarante-cinq élèves de quatrième année d’études secondaires ont suivi un enseignement obligatoire des échecs durant une année pleine. Un groupe de sujets de la même école et du même âge a servi de témoins, sans qu’il soit précisé si ceux-ci, durant le temps que leurs camarades passaient à l’apprentissage des échecs, réalisaient une activité complémentaire non scolaire. Cinq batteries de tests furent administrées en septembre, et en fin d’année. Un premier ensemble était dédié à la mesure de la perception spatiale, au raisonnement numérique, et à la fluidité verbale. Un deuxième avait pour objectif de tester le sens organisationnel, l’habileté arithmétique et la logique non verbale. Le troisième groupe était d’ordre plus perceptif. Le quatrième observait l’attention. Le dernier consistait en un test de Rorschach. En fin d’année, le niveau échiquéen était évalué, afin de rechercher les éventuelles corrélations entre échecs et certaines aptitudes mesurées dans les tests.

Sur les diverses habiletés que mesuraient les quatre premiers groupes de tests, quelques unes ont été corrélées de façon significative au niveau atteint au plan échiquéen sur l’ensemble des sujets par rapport au groupe témoin : l’aptitude numérique, l’aptitude spatiale, le sens organisationnel. Sur le décile supérieur des joueurs d’autres habiletés apparaissent significatives, celles relatives à la fluidité verbale et à la perception.

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Figure 27 : Corrélations significatives entre habiletés cognitives et niveau échiquéen (groupe expérimental échecs vs groupe témoin).

On retrouve là un résultat habituel : les sujets les plus performants bénéficient plus que les autres d’un nouvel apprentissage. Ces corrélations sont cohérentes avec les résultats de l’étude de Roos (1981) précitée dont ressortait l’importance de l’habileté à la combinatoire et à la structuration de l’espace.

L’absence de motivation des sujets, rapportée par les expérimentateurs selon lesquels cet apprentissage obligatoire a été vécu comme une « corvée » doit toutefois rendre prudent dans l’interprétation de ces résultats ; même si, paradoxalement, ces résultats peuvent être considérés comme plus robustes du fait de l’importance de la variable motivation dans tout processus d’apprentissage. La seconde réserve qui doit être faite tient à l’originalité de la pratique de ce jeu par comparaison avec les jeux traditionnels pour les enfants de ce pays.