2ème Partie
Problématique du transfert métacognitif

L’analyse des différentes études portant sur le jeu d’échecs en psychologie cognitive présentée dans notre première partie nous a permis de dégager les habiletés cognitives principalement en cause dans la pratique des échecs, que nous résumerons dans le schéma ci-dessous autour de quatre pôles : l’organisation de la base de connaissances en mémoire à long terme, le traitement visuo-spatial des pièces dont, singulièrement, le potentiel de mouvement, la combinatoire des variantes par une capacité d’exploration et de calcul en profondeur associée à la conduite d’une stratégie ; ces deux dernières composantes supposant une fonction d’imagerie mentale, toutes opérations d’exploration et de calcul étant mentales du fait de l’interdiction de toucher les pièces avant de jouer le coup.

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Nous avons expliqué en introduction que nous avons fait le choix de conduire un travail de recherche de nature expérimentale en construisant des protocoles destinés à valider les hypothèses de notre modèle de transfert des habiletés cognitives en cause dans la pratique des échecs.

Un premier plan expérimental aura pour but de vérifier si les habiletés formées par la pratique du jeu sont spécifiques au domaine échiquéen ou sont pour partie transférables à d’autres tâches non échiquéennes.

A travers ce plan expérimental, nous souhaitons répondre à la question de savoir si, pour la plupart des habiletés recrutées et développées par le jeu d’échecs, il y a transfert possible : pour le chunking visuo-spatial et la stratégie de catégorisation en vue de la mémorisation, aussi bien que pour le traitement des relations spatiales catégorielles, ou la planification, le calcul en profondeur et la résolution des conflits but/sous-but.

Il s’agit grâce à une série d’expériences d’apporter une réponse empirique sur la validité de notre hypothèse et, si transfert il y a, sur la nature de ce transfert et des processus mis en oeuvre au cours de celui-ci.

S’agit-il de traitements automatisés recrutables dans des tâches similaires ou isomorphes, dont le transfert s’opérerait de façon implicite et analogique ?

La question peut être posée, par exemple, pour la fonction du traitement visuo-spatial. Le regroupement en sous-ensembles des objets correspond-il à un simple transfert du traitement d’un système de coordonnées lignes-colonnes devenu familier avec l’usage de l’échiquier et d’une habileté de balayage visuel d’un champ, ou bien est-il la marque d’un début de mise en oeuvre de la pratique d’un encodage enrichi par indiçage des motifs constitués, pratique élaborée de façon explicite ?

S’agit-il de processus cognitifs conscients, d’ordre métacognitif, le sujet étant conscient d’appliquer une méthode qu’il contrôle et évalue en temps réel par rapport à la performance attendue ?

Est-ce un simple transfert analogique par rapprochement de cas ou bien une dimension métacognitive est-elle impliquée, le sujet ayant le contrôle de la mise en oeuvre d’un cheminement dans l’espace-problème en une suite identifiée et élaborée de sous-étapes ?

Selon les réponses apportées, les conséquences seront d’une portée considérable au regard des deux interrogations fondant l’objet de notre recherche : l’apprentissage du jeu d’échecs est-il utile pour le développement des capacités métacognitives de l’enfant ; une didactique du transfert des habiletés recrutées est-elle possible ?

S’il s’agit de simple transfert analogique en situation de résolution de problèmes fondée sur la similitude des traits de surface voire sur la construction de schéma conceptuels appliqués à la famille de cas, alors nous restons dans le domaine spécifique des échecs et ceux-ci constituent une matière de plus au même titre que les autres.

En revanche, si nous pouvons établir la dimension métacognitive du transfert de ces habiletés, alors l’apprentissage et la pratique du jeu d’échecs peuvent être envisagées différemment dans un cursus éducatif.

Pour établir un premier plan expérimental ayant pour but de répondre à cette question, nous avons dû préalablement regarder dans la littérature ce que recouvrait et impliquait les notions de métacognition, de transfert et de didactique du transfert.

C’est cet examen que nous présentons dans cette deuxième partie.