12-1 Les concepts venus éclairer les diverses composantes du métacognitif

Brown (1987) et d’autres auteurs, ont approfondi la composante procédurale et analysé les processus de régulation dans les tâches complexes et le monitoring. Puis, la composante conditionnelle de la connaissance métacognitive a été étudiée par Paris et al. (1986), afin de rendre compte des raisons pour lesquelles un processus métacognitif avait été mobilisé. Ainsi avait-on balayé en un premier volet de recherches le champ couvert par les quatre questions relatives au métacognitif : quoi, comment, pourquoi et quand.

Certains travaux plus récents (Borkowski, 1995 ; Pressley, 1995) ont mis l’accent sur le fait qu’il est vraisemblable que ces processus soient interactifs, mouvants et évolutifs, parce que liés aux étapes du développement de l’enfant dans telle ou telle activité. Et, sur ce point, il est plus probable que les évolutions se fassent par interactions complexes et connexionnistes avec propagation de patterns (Siegler, 1997), plutôt que par franchissements étape par étape des niveaux de développement piagétiens. Le modèle de développement serait donc très interactif et diversifié, multidimensionnel et asynchrone.

Une seconde grande évolution conceptuelle a vu les auteurs distinguer les notions de connaissances métacognitives et dhabiletés métacognitives. Les connaissances métacognitives portent sur le contenu des connaissances déclaratives, le quoi, alors que les habiletés métacognitives traitent des procédures et moyens de contrôle de ce que le sujet est en train de faire dans la tâche, le comment (Veenman, 1999). Les habiletés métacognitives incluraient ainsi pour partie la notion de connaissances procédurales y ajoutant, toutefois, un volet auto-régulation de la conduite de la tâche en fonction des expériences vécues antérieurement et des évaluations mémorisées de l’efficacité des stratégies de résolution adoptées précédemment. Selon certains auteurs, l’acquisition de ces habiletés pourrait être largement implicite (Reder, 1996).

Cette distinction est étayée par de nombreuses recherches expérimentales dans le domaine des stratégies d’apprentissage. Ainsi Veenman et al. (1992, 1993, 1997) ont-ils mesuré la part des habiletés métacognitives dans l’apprentissage par des novices de corpus très variés – géographie, physique, statistiques, psychologie – et le caractère prédictif de ces habiletés métacognitives pour les performances dans l’apprentissage. A l’opposé, chez les sujets experts d’un domaine, les habiletés métacognitives seraient très liées au domaine et dépendantes de celui-ci, et beaucoup moins générales (Glaser & Chi, 1988). En d’autres termes, la spécialisation entraînerait par corollaire un enfermement de l’expert et une déconnexion de son corpus de savoir des autres domaines rendant de moins en moins transférable celui-ci ; ceci s’accompagnerait d’une deuxième conséquence, l’appauvrissement des habiletés métacognitives. La routine et la spécialisation seraient en cela très destructrices : «  routine kills intelligence  » (Veenman, 1999) selon un schéma non ambigu, comme l’illustre la Figure 34.

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Figure 34 : Schéma des relations entre habiletés métacognitives et expertise domain-specific(d’après Veeman, 1999).

Sur cette figure on voit clairement que plus il y a expertise, moins il y a recours au métacognitif, l’expert qui a automatisé n’a plus à réfléchir. Mais Veenman et Elshout (1999) atténuent ou complètent leur schéma en mettant en évidence la corrélation entre les habiletés métacognitives et le niveau d’intelligence, ce qui permet aux sujets ayant le meilleur niveau d’intelligence d’apprendre très vite un domaine spécifique de connaissances nouvelles : les experts ne seraient pas immanquablement inscrits dans cette courbe dangereuse de la spécialisation !