2 - L’évidence expérimentale du transfert métacognitif

21- Résultats expérimentaux

La littérature sur le transfert abonde d’expériences. Nous mentionnerons ici celles qui illustrent les conditions du transfert, ses étapes et l’efficacité de celui-ci.

  • L’entraînement des sujets à la construction d’un schéma de structure et de résumé, au moment de la résolution d’un problème ou d’un exercice de mémorisation, influencerait directement la capacité de transfert, et la répétition augmenterait l’apprentissage par abstraction (Gick & Holyoak,1983).
    Brown, Kane, et Echols (1986) l’ont démontré dans leur étude portant sur des enfants de 4 et 5 ans. Les enfants qui, après avoir entendu une première histoire et découvert la solution au problème posé, ont répondu à des questions sur les buts des personnages de l’histoire et se sont ainsi approprié la structure de l’histoire, transfèrent mieux la solution à de nouvelles histoires que ceux qui n’ont pas été invités à réfléchir à l’histoire avant de s’interroger sur une nouvelle. Les élèves qui, pour une leçon sur la manière dont les avions peuvent décoller, ont bénéficié d’un résumé préalable puis, au cours de la leçon, d’une identification claire du plan suivi et du marquage des points clés, ont obtenu de meilleurs résultats sur un exercice transfert où ils devaient résumer par écrit la leçon puis résoudre de petits problèmes analogiques (Mautone, 2001).

  • La recherche de Lodico, Ghatale, Levin, Pressley et Bell (1983) apporte une réponse à la question de l’efficacité d’un entraînement à l’établissement d’une relation entre conduites stratégiques et performances. Des enfants de 7 à 8 ans qui sont entraînés au contrôle, c’est-à-dire à l’évaluation et à la comparaison des performances obtenues dans une tâche, obtiennent un meilleur score que les sujets du groupe témoin. L’entraînement consiste à se voir suggérer deux méthodes possibles de conduire une même tâche, à les mettre toutes deux en oeuvre pour ensuite apprécier l’efficacité respective de chacune en analysant les raisons de la différence de résultats obtenus avec chacune des deux méthodes. In fine, les sujets sont invités à décider laquelle des deux méthodes employer lorsqu’ils devront recommencer une tâche similaire.

  • Mayer (1996), dans une étude de plus de vingt expériences portant sur l’apprentissage de matières scientifiques, a mis en évidence l’avantage comparatif des programmes comportant le recours à des modèles conceptuels. Il faut entendre par modèle conceptuel le fait qu’un sujet passe par une phase d’explication à haute voix de l’application possible du concept qu’il est en train d’acquérir. Les sujets ayant appris sur de tels modèles obtenaient une performance nettement supérieure (+64%) dans une tâche de résolution de problème par transfert d’un modèle conceptuel « auto-déclaré «, comparativement aux sujets contrôle qui n’avaient pas bénéficié de tels modèles.

  • Dans une expérience conduite auprès de 68 enfants scolarisés de niveau 5 à Chypre Georghiades (2000) apporte la démonstration de l’efficacité d’une intervention au niveau métacognitif. Les élèves qui ont bénéficié, durant l’apprentissage de concepts rudimentaires des sciences, d’une séquence métacognitive obtiennent de meilleurs résultats dans l’acquisition, le transfert et la durée que les sujets contrôle. S’appuyant sur ces données, l’auteur plaide en faveur d’une prise en compte dans la conception des programmes et l’environnement de la pédagogie de la dimension métacognitive, qui s’avère le médiateur le plus puissant de l’amélioration des performances.

  • Dans leur protocole, Tomic et Klauer (1996), apportent la preuve du transfert à la suite d’un entraînement au raisonnement inductif d’écoliers de 7 ans d’âge moyen, filles et garçons, sur cinq sessions, à raison d’une par jour, d’une durée de 30 minutes. Les post-tests sur la performance en mathématiques et sur les tests de raisonnement (Catell et Raven’s matrices) ont conduit à des résultats significatifs dans les tests immédiats d’après apprentissage et différés quatre mois et neuf mois plus tard.
    De nombreuses expériences ont attesté de l’intérêt d’une stratégie d’apprentissage par transfert chez des enfants ayant des difficultés. Ainsi Masterson et al. (1994) pour le raisonnement analogique chez des enfants souffrant de troubles du langage. Hutchinson (1993), chez des enfants ayant des difficultés d’apprentissage dans la résolution de problèmes d’algèbre. Ou encore Sugden (1989) pour le transfert d’habiletés cognitives chez des enfants en situation d’échecs scolaires.

  • Demerval (1992) concluait pour sa part à un transfert rapide et fructueux d’une stratégie d’organisation entre deux épreuves d’une tâche de rappel de mots chez des enfants de 10-11 ans, en contradiction avec la théorie dominante du déficit de production d’une stratégie de catégorisation entre 9 et 13 ans.

  • Certaines études ont établi que chez les enfants rangés dans la catégorie des sujets surdoués, l’aptitude au transfert métacognitif était la vraie mesure rendant compte du phénomène. Il n’y aurait pas chez ceux-ci de talent particulier en capacité stratégique, mais une connaissance métacognitive explicite leur permettant de voir de façon très consciente et verbalisée comment se servir de concepts ou stratégies appris pour les appliquer à un domaine nouveau et différent (Carr, Alexander & Schwanenflugel, 1996).

  • Les sujets qui transfèrent le mieux les stratégies sont ceux dont le niveau de savoir métacognitif préalable à l’expérience est le plus élevé (Cavanaugh & Borkowski, 1979 ; Veenam et al., 1997).

Chez de jeunes sujets, Yelland (1995) démontre pour des protocoles mettant en oeuvre des tâches simples de programmation informatique de type LOGO, que ce qui différencie les performances entre les sujets est l’application de stratégies auto-contrôlées et que cette capacité métacognitive est fortement corrélée avec les performances en mathématiques.

Des diverses expériences précitées, nous pouvons dégager les étapes par lesquelles il faut passer pour qu’il y ait construction d’une capacité de transfert métacognitif.