2 Didactique et Métacognition

Nous pouvons, en suivant Resnick (1983), écarter tout modèle didactique qui reposerait sur les schémas conceptuels de l’expert du corpus à enseigner. Dans le paradigme expert-novice qui fonde la relation d’enseignement, l’élève ou novice, au moment où il commence à découvrir les connaissances nouvelles d’une matière, est porteur d’un certain nombre de représentations préalables relatives directement ou indirectement au corpus concerné, fussent-elles pauvres et parcellaires. C’est à partir de celles-ci qu’il va construire la nouvelle connaissance. La fonction de l’intervenant est donc une fonction « d’étayage » (Bruner, 1983) qui, de façon dynamique, organise l’acquisition de la connaissance en une suite de schèmes et notions de plus en plus complètes, complexes et généralisables. Le but de l’enseignant n’est pas d’apporter les patrons de connaissances de l’expert tels quels au novice, dans la mesure où celui-ci aura des difficultés à construire ses connaissances à partir des représentations mentales de l’expert, alors que ses propres représentations préalables à l’enseignement appartiennent à un champ conceptuel beaucoup plus pauvre et réduit.

L’enseignant doit donc plutôt partir des représentations ou pré-conceptions présentes chez le sujet et apporter un processus de construction autonome et ouvert, autorisant l’évolution progressive de la connaissance préalable vers le patron d’assemblage de l’expert. L’enseignant aidera à la construction régulière de « ponts cognitifs » (Ausubel, 1968) reliant les éléments acquis progressivement.

Ce processus de construction d’une nouvelle connaissance est, selon le modèle de Sanocki (1993) précité, très diversifié et multidimensionnel, ce qui a pour conséquence d’obliger l’intervenant à constamment suivre, en parallèle, les diverses facettes de la construction, afin d’en saisir toutes les opportunités et d’en identifier les obstacles. Cette écoute, et l’orientation de la construction, ne sont possibles que si la didactique est construite autour d’une auto-découverte et d’une auto-construction, à partir de situations-problèmes, dans laquelle l’action de l’élève novice éclaire l’enseignant expert sur le processus d’acquisition en cours chez l’élève novice. A travers cette écoute du processus d’auto-construction, la distance entre le schéma conceptuel de l’expert intervenant et la connaissance de l’élève novice, se réduit progressivement.

Ce choix de stratégie didactique privilégie la construction par l’élève novice du champ conceptuel. Il n’exclue pas pour autant une deuxième composante nécessaire, à savoir l’apport d’un modèle encadrant et donnant sens à la situation-problème de base. En effet, seul le cadrage par un modèle de la situation-support d’acquisition pourra, le moment venu au cours du processus d’auto-construction, aider le sujet à prendre le recul cognitif utile au passage à un autre niveau conceptuel en rupture ou non avec l’ancien.