21- Les niveaux de l’intervention didactique

Dans une stratégie didactique, il ne s’agit pas uniquement de concevoir une pédagogie de la redécouverte recourant à des procédés analytiques partiels et n’accédant pas à un degré de globalisation conceptuelle. Il est question plutôt d’une didactique incluant deux dimensions en parallélisme constant dans l’intervention : une composante expérience personnelle par initiation expérimentale auto-contrôlée par le sujet, que l’intervenant écoute avec vigilance, et une composante cadre d’analyse dans lequel se situe l’expérience, apportant la distance par rapport à la situation servant d’exemple afin de généraliser et d’accéder à un modèle conceptuel proche de celui de l’expert pouvant être relié sémantiquement à d’autres champs conceptuels (cf.fig 42). Ce qui doit être noté c’est la relation temporelle régissant ces composantes.

Le séquencement peut-il n’être que linéaire, la séquence investigation très libre de la situation précédant le début de construction d’une représentation de la situation, laquelle serait préalable à un troisième temps de la construction caractérisé par une consolidation méthodologique et conceptuelle, elle-même antérieure à une quatrième étape de recherche de généralisation et de distanciation pour accéder aux relations entre concepts ?

Ou bien les étapes 2 et 3 sont-elles enchevêtrées, certains éléments pouvant être consolidés, prêts à être généralisés avant d’autres, ce qui justifiera une intervention précoce de l’apport du modèle conceptuel de l’étape 4 ?

message URL FIG042.gif
Figure 42 : Schéma de la fonction de l’intervenant selon l’étape didactique.

Ce dernier point relatif au lien entre champs conceptuels met en évidence la finalité de tout enseignement, qui est d’apporter des connaissances à un double niveau : celui du corpus spécifique de la matière traitée, par exemple la chimie ou la physique ou l’anglais ; celui des attitudes, méthodes et modes de raisonnement par-delà le contenu du corpus, dont l’usage pourra être plus général par transposition ou généralisation.

C’est la prise en compte de cette deuxième dimension, toujours présente dans l’intervention didactique, qui nécessite le recours au transfert analogique d’une situation-problème à une autre puis, au transfert métacognitif d’un cadre conceptuel à un autre. Les modèles de disciplines plus ou moins voisines, parfois même très éloignées, permettent de faire des sauts qualitatifs en levant des obstacles épistémologiques jusqu’alors insurmontables, ce qui peut justifier le recours précoce dans la séquence au transfert métacognitif. L’intervenant peut en effet avoir besoin de faire s’interroger le sujet sur le blocage ou l’obstacle l’empêchant d’avancer dans la construction de sa représentation et ainsi de lui faire prendre conscience des causes de celui-ci. Dans ce cas, le schéma de la séquence perd en partie son caractère linéaire pour devenir asynchrone (fig 43).

message URL FIG043.gif
Figure 43 : Les deux dimensions temporelles de l’intervention didactique.

Mendelsohn (1990) résume les éléments d’une didactique du transfert en quatre étapes :

  1. vérification des connaissances antérieures ;

  2. variation des contextes d’application ;

  3. recadrage systématique ;

  4. pontage systématique des connaissances entre elles.

L’acquisition est largement dépendante de l’état antérieur des connaissances et de leur contexte d’acquisition. Il est donc indispensable de vérifier quels ont été les conditions et processus antérieurs afin de s’en servir ou de tenter de les rendre moins prégnants dans le cas d’une nouvelle acquisition, ce qui augmente les chances d’une prise de recul cognitif. Ce travail d’auto-construction doit être sous contrôle en vue de recadrages utiles pour éviter les impasses ou erreurs d’interprétation du champ conceptuel. Participe à ce recadrage systématique le travail d’auto-évaluation des stratégies suivies et de leur efficacité, ce qui alimente la fonction motivation, présente et indispensable dans tout processus d’apprentissage.