22 - Didactique et intervention centrée sur les processus

* Nous avons plus haut relevé l’importance de la distinction entre l’apprentissage comme processus de réception par le sujet d’un savoir, et l’apprentissage comme processus de construction par le sujet d’un savoir (De Jong, 1995). Ce basculement d’une orientation à l’autre est lié directement à la prise en compte des processus cognitifs de l’apprenant et à une polarisation sur le volet développemental métacognitif de celui-ci.

Comme le notent certains auteurs le temps de l’apprentissage par « le par coeur » est révolu, car il conduisait à l’acquisition d’une connaissance « inerte » (Brown & Palincsar, 1989), qui n’a pas été encodée de façon enrichie et diversifiée par un contexte, lequel encodage enrichi pourrait en faciliter l’appropriation et la récupération sous diverses formes ou en diverses circonstances (Brandsford, Francks et al., 1989). On connaît l’une des critiques les plus fortes qui découle, de ce point de vue, au sujet des QCM et autres outils de cette nature. Ceux-ci enferment les connaissances dans une impasse d’usage, puisque ce mode appauvri de récupération réduit, en retour, le contenu du stockage et confine les connaissances à des usages du type « photocopieur ».

Le premier temps d’une didactique centrée sur les processus cognitifs du sujet est la prise en compte de la base de connaissances initiales de celui-ci. Il s’agit de faire émerger les connaissances antérieures existantes pour que le sujet ayant identifié celles-ci puisse construire les nouvelles connaissances à acquérir en fonction de celles-ci, trouver des exemples appropriés d’application du nouveau savoir (Vermunt, 1992), et reconstruire de façon plus approfondie (Biemans, 1994). Le sujet et l’intervenant peuvent ainsi garder le contrôle des deux variables essentielles d’une stratégie d’acquisition que sont la construction du sens et l’organisation de la connaissances de façon structurée dans sa base de connaissances (De Jong, 1993).

Construction et organisation, constituent le deuxième temps de l’intervention. Ces deux étapes supposent un temps de manipulation du savoir acquis par le sujet afin d’en faire une expérimentation en termes de stratégie d’usage et de transposition à des environnements changeants touchant au monde qui entoure le sujet, surtout s’agissant d’activités complexes comme la résolution de problèmes. Le savoir n’a aucune valeur absolue, il ne peut qu’avoir une valeur d’usage dans des univers plus ou moins familiers rendant plus autonome son transfert à des situations nouvelles (Resnick, 1989). Ceci éclaire sur l’objectif principal de flexibilité de tout apport de connaissances.

Jacobson (1991) dans une expérience sur deux types d’intervention, l’une centrée sur la reconnaissance des notions acquises dans des emplois diversifiés, l’autre centrée sur le domaine spécifique de celles-ci, apporte la démonstration de la meilleure performance du groupe ‘flexibility’ sur le groupe ‘domain-specific’.

De Jong (1995) résume cette démarche en donnant comme finalité à l’éducation « ‘l’application flexible des connaissances scolaires dans l’acquisition de nouvelles connaissances, la résolution de nouveaux problèmes à l’école et dans les contextes sociaux hors l’école.’ » Pour lui les pratiques d’intervention pédagogique et les didactiques efficaces visant à faire des ‘apprenants compétents’ sont celles qui :

On retrouve pour partie les notions de ‘self-explanation’ and self-regulation’ développées sans le modèle de Chi et Glaser, 1988.

** Les effets bénéfiques d’interventions centrées sur les processus tels que définis ci-dessus ont été attestés par diverses expérimentations. Au début d’une telle formation, l’enseignement s’en trouve ralenti, comme l’a montré Lonka (1993) dans une étude longitudinale à l’Université d’Helsinki. Les apprenants mobilisent en effet des ressources attentionnelles importantes sur leur façon de penser et leur stratégie ou manière d’apprendre. Ensuite les bénéfices sont sensibles, et se manifestent de façon significative par rapport aux groupes contrôle dans les résultats aux examens. Volet (1993) obtient des résultats identiques, tout comme Teurlings et al. (1993). Le modèle de Vermunt (1995) analyse l’interaction entre les méthodes suivies par le sujet apprenant et celles utilisables par l’intervenant dans une optique d’enseignement de la manière d’apprendre à apprendre (fig 44).

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Figure 44 : Schéma d’un programme apprendre à apprendre (d’après Vermunt, 1993, 1995).

Vermunt a mené auprès d’un groupe d’étudiants en première année de psychologie un programme d’enseignement sur la manière d’apprendre. Les étudiants qui avaient suivi celui-ci obtinrent de meilleurs résultats que les autres aux examens de fin d’année. Ceci témoigne de la part du métacognitif sur l’apprentissage d’un corpus de connaissances et, au sein des processus métacognitifs, de tout ce qui concerne le contrôle de ses propres stratégies d’apprentissage, confirmant l’analyse de la part prépondérante de celui-ci accordée par Schneider dans son modèle. Elle parvient, à l’issue de plusieurs expériences, à identifier seize principes pour une didactique centrée sur les processus (1995, p.327) au nombre desquels sont privilégiés ceux qui traitent des stratégies et manières d’apprendre à apprendre. Ceci permet à Vermunt de schématiser le but d’une intervention ayant pour objectif d’apprendre à apprendre selon la figure 44.