1 – Le travail sur l’échiquier recrute en permanence plusieurs fonctions.

Il y a premièrement une sous-habileté liée à la présence du dispositif spatial des 64 cases de deux couleurs et de son système de coordonnées orthogonales qui aide à localiser les pièces : un Fou en c4 des pions en f2, g2, h2 ... La sous-habileté recrutée concerne le traitement par repérage dans un ensemble de coordonnées et, de façon plus générale, dans tout système de coordonnées aux étiquettes diverses. Lorsque l’oeil cherche à lire les coordonnées d’une case et pour cela va repérer sur l’axe des ordonnées de quelle rangée il s’agit, ou sur l’axe des abscisses de quelle colonne il s’agit, il active un processus de traitement des coordonnées spatiales métriques et la répétition de l’opération automatise la tâche. Nous savons en architecture anatomo-fonctionnelle neuronale que ceci correspond à un sous-système de traitement (Kosslyn & Koenig, 1992). On peut penser que la pratique développe par conséquent cette sous-habileté de traitement. Les sujets auront plus de facilité et de pertinence dans leur jugement des relations spatiales, par exemple lorsqu’il s’agira d’apprécier la métrique des relations entre deux objets.

Ce repérage peut être aidé par un découpage en espaces distincts telles que les parties de l’échiquier – le camp des Noirs celui des Blancs, l’aile Dame l’aile Roi -. Il s’agit là d’une deuxième composante qui porte sur l’élaboration de l’espace en parties organisées plus aisément traitables. Ceci peut correspondre à des tâches diverses courantes telles que la réalisation d’un graphe, ou la lecture d’un tableau à double entrée, ou encore le marquage spatial de figures ou de formes pour les repérer ou les orienter.

La sous-habileté est par conséquent composée à la fois d’une fonction indiçage par coordonnées, et d’une fonction mise en réseau des éléments du dispositif selon les clés spécifiées de ceux-ci, tels que valeurs comparées de taille, de formes ou de couleurs, ou positionnement - plus haut que, plus bas que – en rapport avec d’autres réseaux voisins.

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Enfin, l’élément-but de l’encodage donne une finalité particulière à celui-ci puisque tout est rapporté à l’objectif d’attaque du Roi adverse, avec comme étapes intermédiaires le gain de l’espace ou la capture de pièces de l’adversaire.

Cette fonction-but pourra être absente dans des tâches autres que le jeu d’échecs, ou bien pourra s’afficher à une valeur nettement moins forte et motivante. Quelle est, par exemple, la valeur du but d’une tâche proposant de mémoriser des objets aux formes géométriques sur un dispositif spatial? A quoi cela sert-il se demandera le sujet à qui cette tâche est proposée, surtout s’il s’agit d’un élève de CM2 qui est habitué à jouer aux échecs et intègre au traitement qu’il réalise l’enjeu du gain de la partie ? Si nous insistons sur cette troisième fonction c’est qu’elle fait ressortir la difficulté de certains protocoles expérimentaux lorsque ceux-ci s’écartent de tâches rencontrées dans la vie quotidienne des sujets. La portée de cette remarque est d’autant plus grande que les sujets sollicités sont des scolaires et non pas des étudiants que la récompense en échange de leur participation motive (compensation financière ou demi-point à l’épreuve de fin de semestre). Cette chute de la tension propre à la motivation liée à l’enjeu constitue un biais expérimental possible que nous devons mentionner, certes qui peut être postulée pour l’ensemble des sujets.