4 - Discussion

Les joueurs ont une meilleure reconnaissance et utilisent un léger temps supplémentaire. Quel mécanisme cognitif est principalement porteur de cet effet ?

Si l’explication tenait au seul recours à une meilleure stratégie de catégorisation, nous n’aurions pas un score de reconnaissance à la grille 2 aussi voisin de celui de la grille 1, une chute de la performance serait constatée, et nous ne retrouverions pas cet effet de la pratique à la grille 2. Puisque à la fois à la grille 1 et à la grille 2, les joueurs sont plus performants que les non-joueurs, alors que la facilité de catégorisation n’est présente qu’à une seule grille, nous sommes conduits à écarter ce facteur explicatif d’une meilleure catégorisation comme composante cognitive principale de l’effet de la pratique. Nous avions choisi dans notre protocole précisément deux grilles en vue de comparer les résultats aux deux grilles.

Les résultats de la reconnaissance sont pour partie dépendants du nombre de fausses reconnaissances. Si la variable Fausses reconnaissances est, elle aussi, influencée par la pratique, on peut avancer que l’avantage apporté par la pratique tiendrait à une plus grande concentration ou attention dans la tâche chez les joueurs par rapport aux non-joueurs, ce qui rendrait plus efficiente la mémoire de travail visuelle et verbale. Post-test, certains sujets ont évoqué la tentative d’écritures de scripts, établissant des liens entre les mots, mécanisme qui peut s’apparenter à la recherche par le joueur des liens unissant les pièces dans une position.

Cette interprétation est confortée par le fait que chez les filles, entre joueuses et non-joueuses, le niveau de performance est égal. Ainsi, la pratique permettrait-elle aux garçons joueurs de mieux se concentrer sur la tâche et d’améliorer le processus de la mémoire de travail. Cette interprétation est validée par les résultats relatifs au temps utilisé pour la reconnaissance. Nous avons indiqué que les joueurs mettaient plus de temps (77 s vs 70 s) que les non-joueurs.

L’hypothèse attentionnelle est également rendue plausible par l’importance de l’effet Age. L’amélioration décisive chez les garçons CM1 due à la pratique ne peut s’interpréter que par une plus grande capacité attentionnelle durant la tâche.

Si, chez les filles, la reconnaissance est assez semblable entre joueuses et non-joueuses, c’est la preuve que le facteur attentionnel est puissant et principal. En effet, chez les sujets de cet âge la capacité de concentration est plus grande chez les filles que chez les garçons d’après les observations empiriques faites et rapportées par les enseignants. L’interaction significative Pratique*Genre dans nos résultats vient vérifier ce constat. Chez les sujets CM1 le principal apport est de l’ordre de l’attention, rendant plus aisée la mobilisation de la mémoire de travail.

Une autre hypothèse d’interprétation que nous n’avons pas le moyen d’étayer tiendrait à la variable motivation dans la tâche. Le but assigné à la tâche est clairement énoncé aux sujets : il s’agit de se concentrer sur une liste de 25 mots en vue de s’en rappeler le mieux possible. Il s’agit d’un but précis et concret, proche de tâches qu’ils réalisent habituellement dans la classe, mémoriser des mots, des phrases ou des textes. Les sujets joueurs CM2 et Collégiens qui ont deux et quatre années de pratique sont habitués à l’enjeu de la partie, et d’une façon générale à se concentrer en vue d’affronter un adversaire. Est-ce que cela les conduit, dans une tâche présentant la forme d’un défi – mémoriser le plus grand nombre de mots possible –, à mobiliser plus de ressources, ce qui les conduirait à faire moins d’erreurs, c’est-à-dire à effectuer moins de fausses reconnaissances ? Il s’agit d’une hypothèse qu’il nous paraîtrait intéressant de vérifier par de nouvelles expériences.