4 - Discussion

• L’importance de l’effet de la pratique s’avère majeure.
  Sur chacun des scores analytiques, l’avantage des joueurs est fortement significatif : succès de la résolution, vitesse de celle-ci, efficacité dans la résolution par un nombre de coups plus faible, cela dès le premier essai. Il n’est pas étonnant que pour le score global l’effet cumulé de cette meilleure performance dans chaque composante de la tâche conduise à des écarts aussi significatifs. Pour nombre de composantes, les scores des CM2 joueurs se situent au même niveau que ceux des non-joueurs collégiens, effaçant les trois années de différence d’âge, ce qui au plan développemental doit être noté.

• Plus surprenant est l’effet observé chez les sujets CM1.
  S’agissant du score de résolution au premier essai, comme pour les autres catégories d’âge, on retrouve chez les CM1 un avantage significatif : score de 1.250 (J) vs score de 0.500 (N-J). Et pour le score global, l’écart est très élevé : 1435 vs 517 ! Les élèves de CM1, qui n’avaient que six mois de pratique échiquéenne lorsqu’ils ont passé les épreuves, ont tiré un bénéfice très rapide de cet apprentissage. Il semble donc que cet apprentissage ait un impact massif sur l’exploration mentale en situation de résolution de problèmes ; cette séquence d’anticipation et de simulation des coups à jouer préalable à la décision est, nous le savons, une base essentielle de la pratique échiquéenne.

• L’effet de la pratique selon le genre est contrasté.
  Chez les CM1, les filles semblent plus que les garçons tirer bénéfice de la pratique au vu de leur performance, même si nous devons observer que chez les non-joueurs les filles étaient également meilleures. Pour les CM2 ayant deux années de pratique les résultats sont inversés ; à l’égalité entre filles et garçons chez les non-joueurs s’oppose un large avantage des garçons pour les joueurs. Cette constatation mérite d’être relevée dans la mesure où elle conforte ceux qui, du fait de la composante visuo-spatiale communément admise comme principale dans le jeu d’échecs, considèrent ce jeu plus aisé pour les garçons.

• La composante résolution de problèmes avec ses aspects planification et analyse en profondeur d’enchaînements de propositions conditionnelles « si... alors » reste principale chez les novices et joueurs moyens par rapport à la composante mnésique. Ce n’est qu’au stade de l’expert que l’organisation de la base de données en MLT selon le modèle de Gobet (1996a) libère une grande partie de sa mémoire de travail pour la prise en compte de composantes beaucoup plus stratégiques que la seule planification, avec intervention d’une métacognition des interactions de schèmes positionnels selon les thèmes stratégiques commandant les parties.

• Notre protocole expérimental (choix de l’état initial et de l’état but de l’exercice à 3D) et le mode de traitement des données (calcul du score de levée du conflit) nous ont permis de mettre en évidence l’importance des phénomènes d’inhibition dans le processus d’une tâche décisionnelle. Les tests khideux significatifs attestent du meilleur recrutement de cette fonction inhibition des coups intuitifs pièges chez les joueurs, avec accroissement de cette significativité avec les années de pratique. La pratique entraîne le joueur à réfléchir aux diverses solutions de jeu dans une position et à simuler les conséquences possibles d’un coup avant de décider de jouer ou non celui-ci. Il peut ainsi éviter la tentation de jouer sans avoir analysé plus avant les suites diverses.
  L’animateur ou enseignant du jeu d’échecs consacre une grande partie de son intervention à suggérer à l’enfant de passer par cette phase d’analyse des coups possibles de l’adversaire avant de penser à son propre coup. Il développe en cela la faculté de suspendre le désir de jouer intuitivement un coup en se dispensant d’une analyse préalable. Cette faculté d’inhibition intervient très tôt. Elle intervient en amont de la fonction planification et est la cause principale de la performance au 1er problème à 3 D car elle apporte à la composante planification une plus grande pertinence. De ce point de vue, il est intéressant de relever la forte corrélation chez les joueurs entre score de levée du conflit et score global ou de résolution.