1 – Problématique théorique et objectifs

La première tâche du système cognitif est d’exercer un filtrage du contenu des informations reçues, tout ce qui se produit dans l’environnement d’un sujet ne pouvant être traité. L’attention est la composante cognitive qui remplit préférentiellement et en première instance cette fonction. C’est elle qui choisit et traite les stimuli au plan visuel et spatial, ou au plan auditif. Dans la plupart des cas l’attention est sélective et intentionnelle, c’est-à-dire intervient en fonction des objectifs du sujet dans l’instant donné et dans la tâche donnée. Il en sera tout autrement si le sujet se trouve soumis à un flux trop important et trop rapide d’informations, rendant quasi impossible la sélectivité de l’attention et la fixation sur l’un quelconque de ces percepts et en conséquence l’accès à une quelconque information.

C’est dans le domaine spatial et temporel que l’attention se déploie le plus ; de façon plus particulière, elle est recrutée également pour la reconnaissance d’objets.

Dans le domaine spatial, deux modèles principaux de l’attention ont été proposés : le modèle du projecteur, qui consiste en la polarisation sur un point précis dans le champ visuel, et le modèle de l’objectif ou du zoom, qui traduit la capacité à changer à la demande la taille de la fenêtre attentionnelle en fonction de ce que l’on cherche et de la tâche à effectuer.

Selon la théorie du projecteur (Posner, 1980), une focale fixe est déplacée, engagée, désengagée d’un point à un autre. Selon la théorie du zoom (Eriksen, 1987) il y a une dynamique, un ajustement dynamique (Duncan & Humphreys, 1989) qui, constamment, élargit le champ ou le rétrécit en fonction à la fois et du traitement et du but.

La qualité de l’attention influence directement les opérations cognitives recrutées dans une tâche, et ses insuffisances ont un effet immédiat sur la performance des tâches réalisées lors de ces opérations cognitives. Ainsi, mémoire, raisonnement, compréhension sont-elles largement dépendantes des ressources attentionnelles mobilisées et de l’efficacité de celles-ci.

La capacité de l’enfant à concentrer son attention lors d’une tâche est par conséquent une donnée essentielle pour la performance de ses capacités cognitives. L’encodage perceptif qui intervient au tout début d’un processus cognitif dit de haut niveau, c’est-à-dire correspondant à une tâche complexe, est donc essentiel. De sa qualité va dépendre l’activation en mémoire des représentations perceptives et sémantiques, lesquelles vont elles-mêmes aider à la décision de traitement selon le contexte et le but. Ceci renvoie à l’analyse computationnelle des opérations de traitement développée par les sciences cognitives.

Si, dans le même temps où je perçois des cercles qui se colorent, j’étiquette ceux-ci selon leur emplacement, et si je suis capable de mettre en place un système d’organisation dans l’espace de leurs rapports, alors j’augmente la probabilité de récupérer en mémoire immédiate ce schéma organisationnel dans une tâche de rappel. Je peux, par exemple, étiqueter ‘’triangle’ les trois premiers cercles colorés, et ‘carré’ les quatre suivants. Lors de la récupération, ces deux étiquettes pourront me permettre de retrouver l’emplacement exact pour le cas où j’hésiterais entre deux cercles proches. La constitution de tels motifs ou chunks, lorsqu’elle s’avère possible, allège d’autant la mémoire immédiate dont la capacité optimale pourra être ainsi augmentée. Les ressources attentionnelles mobilisées, seules, permettront ce travail d’identification et de repérage dans l’espace des cercles et l’établissement d’un réseau les organisant. Si les ressources ne sont pas suffisantes, il est probable que le processus d’encodage ne sera pas assez enrichi et n’aura pas permis, notamment, l’activation du sous-système de traitement de la mise en réseau ou de constitution de chunks. Dans ce cas, la performance de la mémoire immédiate sera directement pénalisée.

Notre expérience 1 des épreuves contrôle nous a permis d’établir l’importance du facteur attentionnel dans une tâche de complètement de mots et d’accès au registre lexical. Dans la tâche de l’expérience présente, le rappel et la mesure d’empan visuo-spatial qui en résulte sont directement dépendants de ce processus.