32 - Analyse détaillée

Selon les composantes cognitives concernées, à titre principal, par chacune des épreuves contrôle, nous pouvons sérier les résultats de ce calcul de corrélation sous la forme présentée de façon synthétique dans l’annexe 10, par ordre décroissant des coefficients de corrélation.

La première remarque qui s’impose est le nombre relativement faible de corrélations élevées entre épreuves-contrôle et scores aux séquences. Seuls trois coefficients, si l’on retient la moyenne des quatre épreuves-contrôle, dépassent le coefficient de 0,3. Vingt et un des trente- six coefficients sont inférieurs à 0,1 ou négatifs, vingt-huit sont inférieurs à 0,2.

La plus forte corrélation trouvée entre les séquences et les épreuves-contrôle l’est pour l’épreuve Langage, avec 26 corrélations positives et 11 négatives, dont seulement six sont supérieures à 0,2. Pour les autres épreuves-contrôles les chiffres sont respectivement de 21 corrélations positives et 15 corrélations négatives pour l’épreuve Attention, de 20 corrélations positives et 16 corrélations négatives pour l’épreuve Compréhension, et de seulement 17 positives et 19 négatives pour l’épreuve Imagerie.

Ce chiffre relatif à la corrélation entre l’épreuve d’Imagerie et les Z scores obtenus aux séquences est à première vue surprenant. Nous avons noté plus haut que la corrélation était forte entre trois des quatre exercices transfert - rappels de positions ( > 0,4), Tours de Hanoï ( > 0,4), et traitement de la relation spatiale (>0,5) – et les épreuves-contrôle. D’autre part nous avons mesuré l’avantage comparatif avec une ANOVA assez souvent représentative des sujets du groupe 3 expérimental.

Les joueurs de la méthode transfert tiraient un bénéfice indéniable dans les habiletés entraînées et recrutées principalement par la pratique échiquéenne.

Pourquoi ne retrouve-t-on pas une forte corrélation entre le détail des scores obtenus à chaque séance de recherche de mats et cette fonction cognitive d’imagerie ?

On observera, en premier lieu, que les scores ne concernent qu’une tâche de résolution de problèmes, des mats à trouver, et rien d’autre, hormis la séance 30 consacrée aux axes de symétrie. Dans cette tâche de recherche de mat la fonction principale est le calcul de l’enchaînement et de la combinaison possible de l’action de deux pièces, rarement plus. Certes les déplacements possibles sont calculés mentalement, puisque l’on n’a pas le droit de toucher les pièces durant la réflexion. Mais cette imagerie mentale, dans le logiciel, n’a jamais concerné que des mats en un, deux ou plus rarement trois coups, et elle mettait en jeu un faible nombre de pièces noires et blanches en attaque et en défense. Le raisonnement et la combinatoire d’actions multiples étaient par conséquent primordiaux dans la tâche.

Une deuxième explication à cette faible corrélation avec la composante Imagerie peut être avancée. Quelques mois d’apprentissage n’ont pas permis de commencer à organiser la base de connaissances en chunks et templates, ce qui est le propre des joueurs confirmés ou experts. Les élèves restaient au stade où ils apprenaient des notions qu’ils devaient aussitôt appliquer par transfert, analogique plus que métacognitif s’agissant des séquences échiquéennes. L’activation de patterns en mémoire à long terme était inexistante, sauf peut-être celui du Roi ayant roqué (?). Seule était donc sollicitée la mémoire de travail verbale liée au thème de la séquence dans un espace-problème très contenu, deux ou trois coups, que les sujets étaient invités à analyser en se posant des questions ou en répondant à celles posées.

Cette analyse se trouve validée partiellement par l’analyse plus fine que l’on peut faire des cinq séquences pour lesquelles le coefficient de corrélation moyen des quatre épreuves-contrôle est le plus élevé.

Tableau 71 : Cinq plus fortes corrélations entre les Z scores aux séquences échecs et les scores aux épreuves-contrôle.
Langage Compré-hension Attention Imagerie moyenne4 épreuves Séquence
0,380 -0,112 -0,048 0,297 0,458 Seq 12 Prise, Interposition, Fuite
0,313 -0,104 0,171 0,301 0,407 Seq 27 Eviction d’un pion de la garde du Roi
0,141 0,388 0,246 0,371 0,308 Seq 14 Clouage, Interposition, Fuite
0,260 -0,009 0,135 0,114 0,266 Seq 35 Case d’attaque et éviction
0,307 0,127 0,103 0,028 0,258 Seq 9 Interception

On constate en effet deux choses.

Le thème de ces cinq séquences est à fort contenu sémantique, ce qui peut s’apprécier à la seule lecture sans être forcément un joueur chevronné. Prise, Interposition, Fuite, Eviction Clouage, sont des notions de base, qui paraissent simples à un joueur expérimenté, mais qui sont essentielles pour envisager, par la suite, comprendre les principes du jeu tactique. Ce sont des notions qui font appel, à titre principal, au raisonnement logique et au langage de la valeur de chacune des pièces. La notion de valeur particulière et différente de chacune des pièces, et les notions de relations causales entre pièces et évènements, appartiennent au domaine du langage et de la mémoire de travail verbale pour sa mise en oeuvre. Il n’est au demeurant pas surprenant de trouver quatre des cinq coefficients de corrélation avec l’épreuve-contrôle de reconstitution de mots. Rappelons que ces thèmes correspondent aux concepts ayant fait l’objet de ce que nous avons appelé dans la méthode les fiches photos-concepts.

Certes, on retrouve pour l’épreuve Imagerie trois des coefficients ayant une valeur supérieure à 0,3, au même titre que l’épreuve Langage, ce qui n’est le cas d’aucune autre épreuve-contrôle.