11-3 Modèle de transfert à une et à deux voies métacognitives

Pourquoi parler d’un modèle à double voie métacognitive ?

Nous prendrons l’exemple de deux exercices transfert du didacticiel, l’exercice des axes de symétrie, et celui de traitement des relations spatiales.

Dans la première tâche, il s’agissait de disposer un Cavalier et plusieurs pions de façon symétrique par rapport à un dispositif présent sur l’échiquier, et ce autour d’un axe vertical (entre colonnes d et e), horizontal (entre rangées 4 et 5) ou en diagonale (diagonale a1–h8), comme l’illustre la figure 132.

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Figure 125 : Exercice transfert, axe de symétrie.

Il s’agit bien d’un transfert puisque la tâche à réaliser n’a aucun rapport avec le jeu d’échecs du fait de placements de pions impossibles en partie réelle. Les concepts de source échiquéenne sont la diagonale et la règle de déplacement du Cavalier. Ils aident à réaliser la tâche. La tâche proposée a pour intérêt de faire appréhender aux sujets un point du programme de CM2 -les axes de symétrie- dans la variante la plus difficile puisque l’axe de symétrie que forme la grande diagonale est beaucoup plus difficile à traiter et la rotation mentale moins aisée. Le transfert est analogique s’agissant du matériau utilisé, pièces et cases d’un échiquier. Il est également métacognitif puisqu’il y a utilisation du concept de diagonale dans un autre domaine, celui de la géométrie et du concept des axes de symétrie. Il s’opère bien un processus de décontextualisation, on sort du domaine échiquéen, et de re-contextualisation, la géométrie. L’objectif de transfert dans notre didacticiel - si celui-ci n’avait pas eu pour objet principal notre recherche - aurait pu aller jusqu’à introduire un second exercice portant sur les axes de symétrie, avec cette fois non plus un dispositif constitué de pièces et d’un échiquier mais un papier quadrillé et des figures autres ; ou, bien sûr, proposer à l’enseignant de le faire.

Dans l’exercice transfert dont la tâche consiste à juger si un rond rouge est au-dessus ou en-dessous d’une croix noire mettant en jeu au plan neuronal le sous-système de traitement des relations spatiales, nous parlons d’un autre niveau du métacognitif.

Ce qui est recruté dans ce cas n’appartient pas au domaine des concepts liés au contenu échiquéen que l’on utiliserait dans un contexte étranger à celui de l’acquisition. Il s’agit plutôt d’une habileté cognitive, en l’occurrence le processus de traitement des relations spatiales entre deux objets, laquelle a été particulièrement activée et sollicitée par la pratique du jeu d’échecs par tout le travail d’extraction et de traitement du mouvement potentiel des pièces depuis une position où celles-ci sont fixes. Puisque nous avions mesuré une performance nettement supérieure des joueurs dans le rappel de la position P4 dans notre première expérience sur le chunking, nous savions que la pratique développait cette habileté du traitement du mouvement et le fait de l’introduire dans le didacticiel avait pour but de mesurer si ce type d’exercice transfert intégré au didacticiel conduirait à une amélioration du transfert de cette habileté. Ce point a été vérifié dans l’épreuve contrôle d’imagerie mentale sur les mains (rappelons la différence significative de 500ms).

Ce que nous appelons modèle à double voie du transfert métacognitif dans une didactique du transfert, c’est le fait d’inclure, en plus du transfert au niveau des concepts liés au contenu ou à la procédure, la dimension du substrat neuro-anatomique des mécanismes cognitifs recrutés lors de la tâche. Puisque dans une tâche de géométrie, on peut utiliser le concept de diagonale appris aux échecs pour comprendre l’axe de symétrie, et puisque dans les deux contextes d’application, les échecs et la géométrie, l’imagerie est en cause, nous postulons que l’apprentissage du transfert doit intervenir sur les deux plans métacognitifs : celui conceptuel de la diagonale (« l’axe de symétrie, c’est comme la diagonale ») et celui de l’habileté au traitement des relations spatiales catégorielles ou coordonnées.

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Figure 126 : Modèle classique et modèle à double voie du transfert.

Au vu de cette distinction entre les deux modèles on comprend mieux la définition choisie du concept d’habileté cognitive sur lequel nous avons décidé de travailler : une habileté cognitive est un processus cognitif dont le substrat neuronal a appris dans une multiplicité de situations-buts et qui en a tiré une plus grande efficience.

Dans le schéma de la figure 133, nous identifions clairement les deux phases durant lesquelles l’enseignant doit intervenir au plan métacognitif : premièrement celle de la phase 1 de l’encodage du contenu où il sera question du contenu A principal de l’acquisition mais également du contenu B du transfert ; deuxièmement, celle de l’habileté recrutée au moment de l’acquisition du processus de résolution.