21-2 Eléments du débat

Pour Glaser (1984), les habiletés cognitives devraient être enseignées de façon interactive, au cours de l’acquisition d’une matière et comme partie intégrante de celle-ci, et non pas, dans les rares cas où elles sont inscrites dans un curriculum scolaire, en ajout des disciplines. Cette remarque s’inscrit dans la ligne des travaux d’Anderson et du Carnegie-Mellon Institute, centrés sur l’utilisation des théories cognitives pour améliorer l’enseignement et, dans ce but, sur la conception de systèmes intelligents de tutorat. Dans cette conception, les savoirs changent de statut et ne sont pas l’occasion de faire vivre des programmes  mais apparaissent plus comme des réponses à des questions (Develay, 1996, p.15).

Les résultats qui se dégagent de nos deux plans expérimentaux confortent l’approche de ceux qui, contrairement aux tenants des théories de Vigotsky (1989), considèrent que les contenus disciplinaires n’excluent pas que puissent être mis en oeuvre des habiletés générales transdisciplinaires et des outils méthodologiques généraux. Plusieurs de nos expériences ont montré qu’il était possible, en s’appuyant sur un corpus spécifique, de prendre en charge le développement des habiletés cognitives. Nous avons ainsi infirmé la thèse de Vigotsky (1989, p.102) relative selon laquelle: ‘« la tâche de l’enseignant n’est pas de développer la réflexion, la mémoire, le jugement ou l’attention, mais de nombreux comportements intellectuels particuliers sur des matières diverses. Il ne s’agit pas de renforcer notre capacité générale d’attention, mais de développer différents comportements permettant de concentrer l’attention sur des matières diverses’.»

Nous avons pour notre part, contrairement au postulat énoncé par cet auteur, mesuré l’effet de la pratique échiquéenne sur l’attention et la transférabilité de cette habileté à d’autres tâches, hors le champ disciplinaire échiquéen. Mais il est vrai que la stratégie retenue au double plan de la didactique et de la pédagogie était conçue en intégrant, dès l’origine, l’objectif du transfert hors le champ échiquéen, démarche que nous pouvons schématiser ainsi.

message URL FIG131.gif
Figure 131 : Schéma d’une démarche pédagogique visant à la transférabilité.

La Figure 138 illustre la condition posée pour que didactique et pédagogie concourent à un même objectif comme le suggèrent Develay et Meirieu (1992, p.159) : « ‘un objectif didactique ne devient un objectif pédagogique – c’est-à-dire qui contribue à construire l’autonomie du sujet apprenant - que dans la mesure où cet objectif est appréhendé en référence aux problèmes scolaires et extra-scolaires qu’il permet de résoudre, quand un sujet dispose à la fois d’un outil et des conditions de son bon usage, quand il sait précisément ce qu’il peut en faire et est capable de l’utiliser dans des situations absolument nouvelles pour lui.’ »

Au vu des résultats obtenus par certains formateurs mettant en oeuvre des PEI (programme d’enrichissement instrumental) la question reste ouverte, et les résultats de nos expériences vont dans ce sens.

Plusieurs approches sont possibles, nous venons de le voir, pour l’intégration d’apprentissages d’habiletés cognitives et de compétences transversales. Mais cette question du choix ne peut être posée que pour autant que certains obstacles soient levés, qui tiennent au système scolaire lui-même. En effet, nombre de systèmes scolaires, en France comme dans des pays voisins, sont organisés depuis des décennies sur des principes privilégiant les disciplines et non les apprentissages.