22-2 Les obstacles liés à l’organisation du temps scolaire

Le fractionnement des savoirs, s’il trouve son origine dans la didactisation des savoirs, a également comme source le morcellement du temps scolaire.

A l’école, l’élève est confronté à une succession de matières, d’heure en heure, sans qu’il puisse dégager une réelle cohérence entre ce qu’il aura vu durant la même journée ou au cours de la semaine. Ces savoirs sont apportés par plusieurs enseignants qui ne se concertent pas pour échanger sur les contenus, l’avancement dans le programme, encore moins sur les transferts possibles entre disciplines. En primaire, la présence d’un seul enseignant n’écarte pas l’obstacle de la fragmentation puisque le temps est éclaté en tâches fragmentées. Comme l’écrit Tardif (1999, p.137) : ‘« l’organisation du travail scolaire reprend essentiellement les principes de la chaîne de montage, dans laquelle les actions des uns et des autres sont très spécialisées, mais très morcelées, tout en contribuant à la réalisation d’un même produit’.» Certains seront peut-être enclins, aux fins de refuser d’ouvrir ce débat primordial, à récuser l’idée que l’école fabrique un produit. Mais au-delà de l’image utile à l’analyse critique, qui aurait de quoi choquer si elle était prise à la lettre, on peut comprendre que la question de la division des horaires et des tâches confère aux enseignants la fonction de « ‘travailleurs spécialisés sur une chaîne de montage’ (Tardif, 1999, p.138) ».

Que recouvre cet énoncé ?

Il y a, premièrement, reconnaissance que des parties sont à assembler, grâce à une action coordonnée, dont chacun a une part de responsabilité, afin de parvenir en bout de ligne à une même finalité. Quelle finalité ? Est-ce le respect de programmes ou bien la vérification que les élèves ont acquis des apprentissages, c’est-à-dire des utilisations possibles de connaissances dans des contextes différenciés ? Dans les deux cas, la compréhension de l’objectif global à atteindre, du « produit final » qu’est la réussite éducative du sujet est nécessaire pour bien maîtriser la partie de la chaîne dont on est responsable. Et, d’évidence, dans l’hypothèse d’une finalité axée sur les apprentissages transférables, cette obligation de maîtrise du sens global est impérieuse.

Il y a, deuxièmement, l’image forte de l’éclatement de la tâche entre plusieurs acteurs, éclatement dont on infère qu’il conduit à un appauvrissement de la tâche et à un intérêt minoré de par l’absence de vision globale de l’ensemble du processus d’apprentissage.

Lisons, pour illustrer notre interrogation sur la finalité, ce que les instructions officielles définissent comme finalité pour le collège, s’agissant d’une compétence transversale primordiale, la logique :

  • Le collège doit développer la pensée logique.

  • Seul le développement de la pensée logique permet à l’élève d’exercer son jugement et de penser par lui-même.

  • Le développement de la pensée logique fait comprendre aux élèves la nécessité en tout domaine de recourir à des principes, d’observer des règles, de suivre un ordre. 

  • On accentuera progressivement sans rupture avec l’esprit des classes antérieures, l’entraînement au raisonnement déductif. -

Comment l’ensemble des acteurs d’une équipe pédagogique d’une classe de collège peuvent-ils atteindre cet objectif ? Est-ce chacun séparément à l’intérieur de sa discipline ? Ou bien est-ce à travers un travail en commun visant à concevoir des contextes de transférabilité à partir de son domaine vers les autres domaines ?

Plusieurs voies ont été explorées dans le but de répondre à cet objectif d’un curriculum plus intégrateur, que nous présenterons dans un ultime développement. C’est en les examinant que nous pourrons revenir à la question initiale de notre recherche de la place possible du jeu d’échecs dans le curriculum scolaire.