B – 4.1. Sujet, objet et autres constituants

Les principaux critères qui permettent d'identifier le sujet et l'objet dans cette langue correspondent aux paradigmes des clitiques et à leur position. Ainsi, le sujet se distingue de l'objet par les différentes marques d'accord au verbe qui, comme nous l'avons vu, sont amalgamées aux marques aspecto-modales. Elles sont obligatoires, sauf à la troisième personne du singulier pour le Narratif, l'Emphatique du sujet et le Présentatif. La difficulté que pourrait poser cette absence de marque est levée au moins pour les deux derniers, puisque nous avons vu qu'une forme a pour les deux conjugaisons est postposée au constituant sujet. Pour une distinction sujet/objet au Narratif en l'absence d'indice sujet, il reste le critère de l'ordre des mots.

En ce qui concerne l'objet, le paradigme des clitiques est le suivant :

1S ma 1P ñu
2S la 2P leen
3S ko 3P leen

Ces clitiques permettent une distinction par rapport au sujet, ils ne présentent pas de dépendance par rapport aux marqueurs de TAM et créent une distinction par rapport aux obliques. Nous avons vu avec l'exemple 89 que certains verbes régissent deux objets sans distinction possible entre objet premier et objet second.

‘89 Boo ñemee téegu, nanga ma ko wax. (Fal)
temp.-N2S oser-ANT subir.la.circoncision Obl2S 1S 3S parler
Quand tu auras le courage de te faire circoncire, tu me le diras.’

Nous reviendrons plus loin sur ces constructions. Il est cependant possible de noter que ces deux objets ne se distinguent pas par un paradigme de clitiques différents. Les seules autres formes par lesquelles les objets peuvent être repris sont les formes pronominales qui fonctionnent également pour les sujets, que nous avons présentées en B – 3.2. (tableau 1).

On trouve également à l'intérieur du syntagme verbal un clitique à valeur partitive de forme ci, qui peut dans certains cas reprendre un complément de lieu.

‘97 Kombo bi mën nañu ci defar sondeel. (Fal)
cire.d'abeille déf. pouvoir P3P cl.part. fabriquer bougie
On peut faire des bougies avec la cire.’ ‘98 Kawar gi dafa ñargaloo, jàrt rekk a ci mën dara.
chevelure déf. EVerb3S ê.emmêler-oo démêloir seul. ESuj cl.part. pouvoir rien
Les cheveux sont emmêlés, seul un démêloir peut en venir à bout. (Fal)’ ‘99 Poos bi junki na, xawma lu ci nekk. (Fal)
poche déf. ê.renflé P3S savoir-Nég.1S rel. loc. se.trouver
La poche est renflée, je ne sais pas ce qu'il y a dedans.’ ‘100 Gasal am leeñ def ci mbalit mi !
creuser-imp. indéf. grand.trou faire loc. ordure déf.
Creuse un grand trou et mets-y les ordures !’

Cette fonction particulière se comprend mieux si l'on fait le parallèle avec d'autres langues Niger-Congo qui ont conservé un système de classe productif, dans lequel les indices objets sont marqués dans le syntagme verbal en accord avec la classe à laquelle correspond le nominal tête du constituant objet. Ici, le clitique ci serait alors la trace de l'ancien système d'accord où ci renverrait à différents obliques. Quoi qu'il en soit, il est distinct des clitiques objets.

Remarque

D'autres constituants peuvent avoir des formes pronominales spécifiques, mais à la différence de ci, il ne s'agit pas de clitique. Lorsque nous avons présenté les catégories grammaticales de cette langue, nous avons remarqué que certains adverbes avaient des formes particulières qui les rattachaient aux marques de classe. Les consonnes f– et n– suivies des éléments de spécification peuvent reprendre, respectivement, des compléments circonstanciels de lieu et de manière.

‘101 Jongama ju xees laa fa fekk. (Fal)
belle.femme jonc. ê.de.teint.clair EC1S loc. trouver
J'y ai trouvé une belle femme, de teint clair.’ ‘102 Dafa dem Tugal, laN fa. (Fal)
EVerb3S partir France ê.fixé.à.l'étranger. loc.
Il est allé en France et il y est resté.’ ‘103 Ndegam fi nga jëm dafa sore, bootal xale bi, moo gën nga leewu ko nii. (Fal)
Si tu vas loin, il vaut mieux mettre l'enfant sur le dos, plutôt que de le porter dans les bras, comme cela.’

Maintenant que nous avons exposé les différentes formes qui permettent de reprendre différents constituants de la proposition et indiqué les moyens de reconnaître les arguments sujet et objet, nous allons dans la section suivante indiquer les différentes formes des compléments du wolof.