B – Classes de prédicats

B – 1. Procès, prédicat et classes lexicales

Dans la GRR et la GF, les modélisations s'appuient sur les classes lexicales des verbes. Ces classes sont établies sur la base de critères issus de sources différentes (Vendler, 1957 pour le GRR et Verkuyl, 1972, pour le GF) qui ont montré que les prédicats sont lexicalisés sous différents aspects, c'est-à-dire sous différentes caractéristiques temporelles. Ces aspects sont décomposés à l'aide de catégories sémantiques qui permettent de distinguer plusieurs classes lexicales de prédicats.

Grammaire du Rôle et de la Référence Grammaire Fonctionnelle
état [+stat., -tél., -ponc., +spont.] situation position [-dyn., +cont]
activité [-stat., -tél., -ponc., +spont.] situation état [-dyn., -cont]
accomplissement [-stat., +tél., -ponc., +spont.] évé. action accomplissement [+dyn., +cont, +tél.]
achèvement [-stat., +tél., +ponc., +spont.] évé. action activité [+dyn., +cont, -tél.]
état causatif [+stat., -tél., -ponc., +prov.] évé. processus changement [+dyn., -cont, +tél.]
activité causative [-stat., -tél., -ponc., +prov.] évé. processus dynamisme [+dyn., -cont, -tél.]
acc. causatif [-stat., +tél., -ponc., +prov.]
ach. causatif [-stat., +tél., +ponc., +prov.]
acc. actif [-stat., +tél., -ponc., +spont.]
acc. actif causatif [-stat., +tél., -ponc., +prov.]

Ces classes permettent de mettre en évidence différents types de correspondance entre les fonctions syntaxiques et les fonctions sémantiques des arguments selon la classe à laquelle appartient le verbe.

Dans la GR, les fonctions sémantiques sont liées aux fonctions syntaxiques au niveau de la strate initiale : Agent - initial 1 et patient - initial 2, selon l'Hypothèse de l'Alignement Universel. Toutefois, cette hypothèse n'est pas tenable dans sa forme stricte, notamment avec les verbes d'état. Cette difficulté est levée par l'hypothèse des verbes inaccusatifs (Perlmutter et Postal, 1984). Elle met en évidence l'opposition entre les verbes monovalents selon les relations de la strate initiale. Le prédicat inergatif dream a une strate initiale 1 et le prédicat inaccusatif exist une strate initiale 2.

Dans notre étude sur les modifications entre les fonctions syntaxiques et les fonctions sémantiques impliquées par les marqueurs de voix, nous ne reprenons pas ces classes lexicales de façon détaillée, ni les rôles sémantiques fins qu'elles attribuent aux arguments. En effet, une telle classification des verbes n'est pas toujours pertinente pour l'analyse des données qui nous intéressent, comme le note Lazard (1994 : 130-131).

‘“La question que se pose le linguiste est naturellement de savoir quelle est la pertinence de ces distinctions et constructions pour rendre compte des faits d'actance qu'il observe dans les langues. Dans l'état actuel de la recherche, il ne peut que […] mesurer la distance qui sépare encore cet appareillage des données qu'il cherche à expliquer.”’

Dans la partie II de cette analyse, nous verrons que les restrictions auxquelles sont soumises les dérivations étudiées s'expliquent soit à l'aide de la valence syntaxique que montre le prédicat (généralement verbes monovalents vs. bivalents), soit par une opposition sémantique entre verbe d'état vs. verbe d'activité. Comme le note Van Valin, seuls deux types de prédicats définissent ces relations, les états et les activités, tous les autres types de prédicats sont composés de ces deux types de bases.

Ainsi, l'interprétation d'un argument est liée, d'une part à la classe ou sous-classe du prédicat et d'autre part à sa position dans la structure logique. Sur ce principe Van Valin schématise ces liages en indiquant que les relations grammaticales sujet et objet sont liées aux macro-rôles ACTOR et UNDERGOER, les verbes monovalents lient à la fonction sujet le macro-rôle ACTOR ou UNDERGOER selon la classe lexicale à laquelle ils appartiennent, respectivement +statique vs. -statique. Pour notre part, dans l'analyse des données du wolof, nous utiliserons la terminologie traditionnelle d'agent et de patient, même si dans une analyse sémantique fine, les rôles des participants ne renvoient pas forcément à un agent ou un patient prototypique. Une analyse sémantique fine des rôles sera proposée uniquement lorsque les modifications ne pourront être appréhendées par ces généralisations, puisque dans la plupart des cas, les modifications de ces relations en wolof dépendent grosso modo du caractère ±dynamique ou ±statique du prédicat, selon la terminologie, donc à une opposition état vs. activité ou de la valence que présente le prédicat, nous reviendrons sur ce point dans la section suivante.

Toutefois, certains verbes wolofs, les verbes de mouvements et de déplacements, présentent avec certaines voix un comportement particulier. Selon la voix, ces verbes doivent être rattachés à la classe des verbes dynamiques (activité) ou à la classe des verbes non dynamiques (état). Dans les théories d'inspiration cognitive, ces verbes sont à distinguer des verbes d'activité (verbes causatifs) et des verbes d'état (verbes statifs), puisqu'il s'agit de procès qui sont réalisés par le sujet (agent) sur lui-même (sujet patient). Nous nous basons pour ces verbes de mouvement sur l'étude de Talmy (2000). Cette analyse des verbes de mouvements est également basée sur la lexicalisation des aspects dans les racines verbales.

‘“Different verb roots incorporate different combinations of aspectual and causative types. […] in many languages the semantic domain of 'states' seems to involve only (or mainly) the three aspect-causative types.
a. Being in a state Stative
b. Entering in a state Inchoative
c. Putting in a state Agentive”
[…] there are languages in which the verb roots are prepondantly lexicalized in only the (a) or only the (b) or only the (c) type. In other languages, such verb roots show a small range of lexicalizations, either over the (a/b) types or over the (b/c) types.”’

Selon ce modèle, les verbes de mouvement du wolof doivent être vus comme lexicalisés dans les types a et b. En effet, Talmy (2000) montre que selon la lexicalisation que présentent ces verbes, ils ont un comportement particulier lorsque la racine verbale est utilisée pour exprimer un type d'aspect-causation différent de celui dans lequel ils sont lexicalisés. Les verbes de posture sont lexicalisés en anglais dans le type a, en japonais dans le type b et en espagnol dans le type c. Le tableau 13 montre que ces racines nécessitent une morphologie supplémentaire pour exprimer les types d'aspect-causation dans lesquels ils ne sont pas lexicalisés.

On reconnaît dans cette morphologie, la dérivation passive, la dérivation réflexive et la dérivation causative. Dans la partie II, il est montré que le comportement des verbes de mouvement en général (verbe de posture inclus) face à ces voix indique qu'ils sont lexicalisés dans les types a et b, puisqu'ils ne peuvent être dérivés que par la voix causative.

De ce fait, même si les classes lexicales fines [distinguées] par certaines théories ne sont pas toujours nécessaires dans une analyse descriptive, elles permettent dans certains cas d'expliquer le comportement de certains verbes.

Une autre notion est également nécessaire à la compréhension des comportements des prédicats face aux voix et doit donc être précisée ici : la notion de valence.