D – 3. Les verbes trivalents

Il existe en wolof différentes structures ditransitives. Certains verbes sont des verbes trivalents. D'autres sont des verbes monovalents ou bivalents qui, par des éléments de dérivation verbale relevant de la voix, peuvent voir leur valence syntaxique modifiée et ainsi montrer des structures ditransitives. Notre propos sera ici principalement centré sur les verbes trivalents non dérivés. Nous pouvons, cependant, indiquer déjà que le comportement des verbes trivalents résultant de dérivation n'est pas différent de ceux que nous décrivons ici.

Généralement les verbes non dérivés trivalents sont liés à l'expression de dons et les objets que l'on trouve avec ces verbes ont les rôles sémantiques de récepteur et de patient. Lorsque la trivalence sort du domaine du don, l'objet récepteur peut être un destinataire ou un bénéficiaire 20 , mais quoi qu'il en soit, il s'agit d'un participant le plus souvent humain. Dans certaines langues, ce participant n'a pas exactement les mêmes comportements que l'objet patient, on parle dans ce cas d'objet second.

La particularité du wolof par rapport à ce phénomène est que la construction ne reflète en rien la différence de rôle sémantique entre les deux objets. Lorsque les deux objets sont lexicaux, l'ordre préférentiel est récepteur/destinataire/bénéficiaire – patient, ordre très certainement dû au caractère humain de ces participants, mais cet ordre peut être modifié selon le contexte dans lequel la proposition est énoncée (emphase particulière). Lorsqu'un des deux objets est pronominalisé, le clitique est comme on peut s'y attendre placé avant l'objet lexical et ce, quel que soit son rôle sémantique, sachant que le paradigme des clitiques est identique pour les deux objets.

Position 1 Position 2
Objet lexical (datif) Objet lexical (patient)
Objet lexical (topique) Objet lexical
Clitique objet Objet lexical

C'est lorsque les deux objets sont pronominalisés qu'il existe de véritables contraintes sur l'ordre. En effet, l'ordre des arguments dépend alors, non pas du rôle sémantique ni d'un statut syntaxique différent, mais de la personne et du nombre.

Le clitique objet de 3e personne (singulier ou pluriel) suit toujours les autres clitiques et le pluriel précède le singulier. À l'intérieur du groupe 1ère personne et 2e personne, le singulier précède le pluriel et la 2e personne précède la 1ère personne.

Singulier Pluriel Pluriel Singulier
2e pers. 1ère pers. 2e pers. 1ère pers. 3e pers. 3e pers.
la > ma > leen > ñu > leen > ko

On trouve bien évidemment parmi les verbes ditransitifs (syntaxiquement et sémantiquement), les verbes de don au sens large : jox (donner), may (offrir), sant (confier), jaay (vendre), jébbal (remettre), les verbes de dire : wax (parler), laaj (demander). D'autres prédicats sortant de ces grandes classes de verbes présentent également une structure ditransitive : yenn (aider quelqu'un à mettre quelque chose sur la tête).

‘149 a Maa ngiy jox fas wi ngooñ mi . (Diouf)
Prés1S Prés.-inacc. donner cheval déf. foin déf.
Je donne le foin au cheval

b. Maa ngi ko koy jox. (Diouf)
Prés1S Prés. 3S 3S-inacc. Donner
Je le lui donne’ ‘150 a. Mu ngiy wax Musaa xibaar bi . (Diouf)
Prés3S Prés.-inacc. parler Moussa nouvelle déf.
Il parle à Moussa de la nouvelle.’ ‘151 b. Mu ngi ko koy wax. (Diouf)
Prés3S Prés. 3S 3S-inacc. Parler
Il lui en parle.’ ‘152 a. Mu ngiy laaj Omar caabi ji . (Diouf)
Prés3S Prés.-inacc. demander Oumar clé déf.
Il demande la clé à Oumar.

b. Mu ngi ko koy laaj. (Diouf)
Prés3S Prés. 3S 3S-inacc. Demander
Il la lui demande.’

Dans la section suivante, nous donnons une première présentation des éléments de la langue wolof que la délimitation de notre sujet nous conduit à analyser en détail dans la partie II.

Notes
20.

Dans la littérature, les rôles récepteur et bénéficiaire ne sont pas toujours présentés comme séparés. Cependant, les particularités du wolof nécessitent une distinction entre ces deux rôles. Ainsi, nous entendons par récepteur les participants qui reçoivent quelque chose (objet, information…) et par bénéficiaire les participants pour lesquels une action est réalisée.