Chapitre 3 – Voix moyenne et constructions réfléchies

Les notions de voix moyenne et de réflexivité sont souvent délicates à manipuler. Le champ d'application du morphème peut être très large et la délimitation des fonctions est souvent difficile à poser. Ces complications sont liées d'une part à la présence d'un ou deux marqueurs pour les fonctions réfléchies et moyennes et d'autre part à l'extension des fonctions du marqueur moyen. Les fonctions liées à la voix moyenne sont parfois identifiées comme des fonctions non canoniques de la réflexivité. Ceci résulte du fait que dans un grand nombre de langues, les fonctions réfléchies et moyennes sont marquées par le même morphème, la dissociation entre réfléchi et moyen est alors confuse. Ainsi, l'ensemble des fonctions que nous abordons dans ce chapitre sous la notion de voix moyenne, est repris chez certains linguistes sous la notion de voix ou diathèse réfléchie avec plus ou moins les mêmes buts et les mêmes définitions. Ainsi, Geniusiene (1987) dresse une étude typologique des sens (équivalent de fonctions dans cette analyse) des marqueurs réfléchis (MR). Son intérêt porte principalement sur les MR polyfonctionnels, c'est-à-dire des morphèmes qui marquent une variété de sens à l'intérieur desquels le sens réfléchi ne correspond qu'à un de ces sens parmi d'autres. Nous proposons une terminologie inverse. Dans l'ensemble des langues du monde, les marqueurs polyfonctionnels peuvent selon les langues avoir ou non une fonction réflexive, seules les langues à deux marqueurs marquent le sens réfléchi par un morphème qui ne véhicule aucune autre fonction et l'on trouve un second marqueur qui peut toujours être défini comme un marqueur polyfonctionnel ne marquant que des fonctions proprement moyennes. Dans ces langues à deux marques, d'après les études diachroniques effectuées sur ces marqueurs, on peut souvent rétablir, à l'origine, une utilisation réfléchie pour le marqueur moyen (Kemmer, 1993 : chapitre 5, plus particulièrement page 196-197). Ainsi, dans le premier cas : une seule marque, nous préférons parler de voix moyenne englobant la fonction réfléchie.

Autrement dit, face aux deux approches de la voix moyenne les plus courantes : voix moyenne considérée comme une notion très générale où la notion de réfléchi est un cas particulier vs. voix moyenne définie par opposition à réfléchi, dans cette étude, nous adoptons la première approche. Toutefois, la présentation de la voix moyenne englobant la réflexivité comme une ses fonctions est cependant divisée en deux de par les caractéristiques de marquage de la langue wolof.

Une partie de la difficulté liée à l'analyse des fonctions de voix moyenne est levée en wolof. On peut isoler deux marqueurs différents, une forme composée du lexème bopp 'tête' et des marqueurs possessifs pour l'expression de la réflexivité et un morphème de dérivation verbale –u/–ku. Cependant, la difficulté liée à l'extension d'utilisation de ce –u n'est pas levée, les fonctions que l'on peut rattacher à cette marque sont assez étendues.

Il est également possible selon les particularités des langues de présenter dans le même temps les constructions réciproques qui sont souvent marquées par le même morphème que celui de la réflexivité et des autres fonctions de la voix moyenne. Cependant, les données du wolof nous conduisent à écarter les constructions réciproques de cette présentation. Bien qu'il existe une affinité particulière de la réciprocité avec le marqueur moyen dans beaucoup de langues, la réciprocité est liée dans certaines langues à d'autres opérations sur la valence ou même à des opérations dont le lien avec la valence n'est pas immédiat, il semble que ce soit le cas en wolof, nous y reviendrons dans le chapitre 7.

Comme la plupart des chapitres de cette partie, l'analyse des voix du wolof est toujours précédée d'une présentation typologique. L'organisation propre à ce chapitre dissocie les constructions réfléchies des fonctions proprement moyennes. En effet, dans cette langue, les constructions réfléchies ne relèvent pas du système de la voix. Cependant, sur le plan typologique et de par les modifications sémantiques qu'entraîne le marqueur réfléchi, ces constructions sont liées à l'expression d'autres fonctions moyennes qui entrent dans le système de la voix.

Nous présentons, tout d'abord les constructions réfléchies sur le plan typologique, puis les constructions réfléchies du wolof. Ensuite, nous présentons, d'un point de vue typologique, l'ensemble des fonctions qui peuvent être rattachées au marqueur de voix moyenne et qui ne sont pas strictement réfléchies, bien qu'elles montrent une certaine proximité avec cette fonction. Enfin, nous présentons dans ce cadre les fonctions que l'on peut rattacher au suffixe –u du wolof.