A – 3. Les causatives à prédicat complexe.

A – 3.1. Présentation typologique

Les causatives périphrastiques sont, d'un point de vue syntaxique, décrites comme composées de deux propositions qui entretiennent entre elles un degré de dépendance. Certaines constructions causatives peuvent être en apparence rattachables aux causatives périphrastiques, mais certains tests syntaxiques permettent de mieux les identifier comme des causatives à prédicat complexe. Ces causatives sont, pour différentes raisons, des plus difficiles à cerner dans les analyses descriptives sur la causativité. La notion de prédicat complexe regroupe différentes structures syntaxiques. On trouve, entre autres, des structures qui sont désignées comme verbes sériels. Le problème de ce terme est qu'il regroupe différentes constructions qui n'entrent pas toujours dans la notion de prédicat complexe.

‘“It is difficult to say exactly which languages really have serial verbs. […] there is most of the time no obvious distinction between serial verbs and verb sequences in which each verb constitutes a distinct predicate, in particular consecutive constructions (i.e. constructions in which two or more successive clauses represent successive events).”(Creissels, 2000 : 240)’

De ce fait, l'identification d'un marqueur causatif qui morphologiquement se présente comme un verbe indépendant du verbe qui représente l'événement causé peut, selon le degré de grammaticalisation de cette marque, être identifié comme un second prédicat ou un auxiliaire. Dans le premier cas (deux prédicats), cette construction diffère des causatives périphrastiques seulement par un marquage plus fort de la dépendance de la seconde proposition. Tandis que dans le deuxième cas (auxiliaire + verbe), bien que ces constructions ressemblent à des constructions complexes, elles n'en ont pas le fonctionnement. Ainsi, les constructions qui, morphologiquement, combinent un verbe de forme finie et un verbe de forme non finie, de par leur fonctionnement, se rapprochent soit des causatives périphrastiques, soit des causatives morphologiques.

Il est possible de trouver en français des constructions des deux types. Les constructions faire + verbe à l'infinitif ne peuvent être analysées que comme une fusion de prédicats, tandis que d'autres constructions de type V 1 + V 2 V 2 est un verbe non fini, sont à analyser comme des constructions dans lesquelles V 2 est le prédicat de la complétive de V 1 .

Ces différences de traitements entre les deux constructions relèvent de deux critères qui tiennent à la position des arguments de V 2 . Dans les propositions (a et a') des deux exemples 248 et 249, on voit que le traitement de ce qui est sémantiquement l'argument 1 de V 2 diffère. Et dans les propositions (d.), on voit que le second argument de V 2 , pronominalisé, ne peut pas toujours se cliticiser sur le verbe dont il est sémantiquement l'argument.

‘248 a. J'ai fait construire une maison à cet homme.
a' *J'ai fait cet homme construire la maison.
b. Je lui ai fait construire une maison.
c. Je la lui ai fait construire.
d. *Je lui ai fait la construire.’ ‘249 a. J'ai vu cet homme peindre une maison.
a' ?J'ai vu peindre une maison à/par cet homme.
b. Je l'ai vu peindre une maison.
c. Je la lui ai vu peindre.
d. Je l'ai vu la peindre.’

Ainsi, dans les constructions faire + infinitif, le fait que les arguments de V 2 n'ont pas le comportement que l'on attend du fait de leur relation sémantique à V2, permet de supposer que faire V 2 forme un noyau prédicatif, on parle alors de fusion de prédicats 40 . Tandis que le cas de voir + infinitif s'analyse comme une construction complexe dans laquelle l'objet de la principale contrôle la complétive.

Le problème que posent ces constructions, découvert par la Grammaire Relationnelle, a été développé dans le cadre de Head-Phrase Structure Grammar (HPSG), en liaison avec des observations selon lesquelles les propriétés syntaxiques de combinaisons faire + infinitif constituent un point majeur de contraste entre langues romanes et langues germaniques (Aissen et Perlmutter (1983), Abeille et Godard (1996) et plus particulièrement sur le français Zaenen et Dalrymple (1996)). Ceci explique que l'étape de grammaticalisation que présentent ces constructions est souvent omise dans la présentation du continuum des constructions causatives. Elles sont, par défaut, interprétées comme une phase intermédiaire de grammaticalisation du verbe causatif vers un marqueur de type auxiliaire ou morphème.

Même si ces constructions constituent une étape de grammaticalisation du prédicat causatif des constructions périphrastiques, leur analyse et description peuvent aider à comprendre les données de certaines langues qui présentent une de ces étapes intermédiaires ou les particularités des constructions périphrastiques. Dans la section suivante, nous présentons deux cas de causative à prédicat complexe construites à l'aide du verbe tax déjà rencontré dans les causatives périphrastiques.

Notes
40.

Le terme de fusion des prédicats emprunté à Creissels renvoie à la notion plus courante de clause union.