Les causatives à prédicat complexe du wolof sont de deux types. Elles mettent en jeu le verbe tax. La différence entre ces constructions est liée à la marque que l'on trouve entre les deux verbes, soit elle prend soit la forme a (marqueur de dépendance verbale), soit la forme di.
Dans les propositions (250 à 254), nous avons affaire à des causatives à prédicat complexe. L'absence du morphème de conjugaison du verbe de la subordonnée n'est pas toujours un test efficace en wolof pour montrer le caractère non fini d'un verbe. En effet, nous avons vu que certaines marques de conjugaison ne sont pas obligatoires lorsque le syntagme est présent dans la proposition (Narratif, Emphatique du sujet et Présentatif). Le caractère non fini du verbe de la seconde proposition s'observe mieux, d'une part à travers le marqueur de l'infinitif a que nous glosons dépendance verbale (d.v.). D'autre part, à la différence des périphrastiques présentées dans les sections précédentes, dans les constructions à prédicat complexe le sujet sémantique du second verbe est toujours intégré dans la principale sous la forme d'un pronom objet régi par tax.
‘250 War naa fonk toxoro gi, [moo ma tax a tedd] (Fal)Sur ce point, la forme ko des constructions en tax peut laisser une certaine ambiguïté au niveau de l'interprétation de l'élément qu'il reprend. Nous avons vu que les propositions principales de certaines causatives périphrastiques régissent également un clitique objet ko qui anticipe l'événement causé. Une telle interprétation de ko dans les constructions à prédicat complexe n'est pas possible si l'on considère l'exemple 250 où l'on peut voir que le clitique objet dans ces causatives peut être de première personne (ma) et n'anticipe donc pas l'événement causé, mais reprend bien le causataire. De ce fait, le verbe tax (255) régit deux arguments, les nominaux sujet (causateur) et objet (causataire), et ce second argument est lié sémantiquement au second verbe de la construction.
‘ Ns No INF causateur causataire événement causé’ ‘255 Nit kii yaa ko tax a jógLes formes pronominales objet que l'on trouve dans les constructions avec def (259) ne correspondent pas à ce que l'on trouve dans les constructions en tax (256 à 258).
‘256 Nit kii yaa ko i tax Ø i a jógDans les exemples 256, 257 et 258, les formes ko et ma renvoient au causataire sémantiquement lié au second verbe de la proposition. La différence que nous avons relevée entre les constructions des exemples 256 à 258 vs. 259 porte sur le caractère fini ou non du verbe. Dans les exemples 256, 257 et 258, le second verbe ne porte pas de marque, il ne régit pas son sujet et est marqué comme dépendant du premier verbe. Ces constructions relèvent donc des causatives à prédicat complexe. Alors que dans l'exemple avec def, la forme ko ne fait qu'annoncer l'ensemble de l'événement causé et le verbe de la subordonnée régit son sujet nga.
‘259 Dinaa ko i def [nga am doom] i (Contes)Il est intéressant de noter que les seconds verbes des constructions à prédicat complexe sont des verbes intransitifs détat ou inchoatif : tedd 'être décent', saf 'être succulent', xaru 'se suicider', jóg 'être levé/se lever', mer 'être en colère'… Avec des verbes transitifs, le même type de construction est difficilement accepté par les locuteurs, de plus la relation est inversée, c'est sans doute une des raisons de cette réticence.
‘260 ? War naa fonk sama jabar, moo ma tax a lekk yàpp.L'indice sujet moo n'est pas interprété comme renvoyant à la femme, mais comme reprenant l'événement entier. La structure syntaxique qui permet de reprendre ce sens ne peut avoir une forme infinitivale et la forme pronominale moom doit être utilisée afin de lever l'ambiguïté de l'indice sujet moo, on a affaire dans ce cas à une causative prériphrastique.
‘261 War naa fonk sama jabar, moom moo tax may lekk yàppDans la suite de cette section, nous allons présenter une autre causative à prédicat complexe en tax. Dans ces constructions, l'agent de l'événement causé est régi sous la forme d'un pronom objet par le verbe tax. Mais à la différence des propositions présentées ci-dessus, le second verbe n'est pas lié à tax par la marque de dépendance verbale a, mais par le morphème di.
‘262 …moo ko tax di senkiliku nii ? (Fal)Face à ces constructions, nous supposons que les formes verbales infinitives en wolof conservent une indication aspectuelle qui est marquée par la forme a pour l'accompli et la forme di pour l'inaccompli. Cependant, cette hypothèse remet en question différents points sur le système de conjugaison décrit dans le chapitre 1.
Lorsque nous avons présenté le système de conjugaison 41 du wolof, nous avons abordé le cas de la forme di, qui selon ces emplois peut être rattachée ou non à la notion d'inaccompli. Or lorsque la forme d(i) est utilisée comme relateur de deux verbes, elle n'est pas présentée comme véhiculant la valeur d'inaccompli. Le second problème qui se pose est que le morphème accompli est présenté sous la forme Ø, puisque la valeur accompli est véhiculée par les marques de conjugaison. Cependant, notre hypothèse s'appuie sur le fait qu'en l'absence de marques de conjugaison une différence entre accompli et inaccompli doit être spécifiée. Ainsi l'identification des marques a et di reste problématique dans ces constructions. Cependant, ceci n'enlève rien au fait que les constructions en tax présentées dans cette section doivent être considérées comme des causatives à prédicat complexe. Cette affirmation s'appuie sur le degré de dépendance plus fort entre les deux verbes de la construction, cette fusion des verbes en un seul prédicat se voit d'une part au travers des marques de dépendance a et di, d'autre part à travers la rection d'argument sémantiquement lié à V 2 par tax. Cette tendance de grammaticalisation de tax est par ailleurs renforcée par le fait que ce verbe ne peut régir à l'heure actuelle des objets nominaux.
Dans la section suivante, nous présentons les différentes causatives morphologiques, dans un premier temps sur le plan typologique, puis en wolof.
cf. chapitre 1, B – 3.1.2.