A – 4. Les causatives morphologiques

D'un point de vue typologique, ces causatives peuvent avoir différentes formes. Le procédé morphologique peut consister en un changement interne (timbre de la voyelle ou mutation de consonne), répétition d'une consonne, allongement d'une voyelle, changement de ton, réduplication, affixation (Dixon 2000 : 33-34). Toutes les langues n'ont pas ce type de causatives, mais dans les langues qui utilisent ce procédé dans l'expression de la causation, certaines en ont plusieurs. La causative est habituellement présentée comme augmentant la valence du verbe. Ainsi, un verbe intransitif dérivé devient un verbe transitif et un verbe transitif devient un ditransitif. Sur le plan typologique, il n'est pas rare de trouver des langues où le causatif morphologique est limité aux bases intransitives, essentiellement pour des considérations cognitive et syntaxique. En effet, sur le pan cognitif, l'application d'un marqueur causatif sur un verbe non causatif sémantiquement est plus facile à traiter qu'un morphème causatif sur un verbe déjà sémantiquement causatif. Sur le plan syntaxique, l'ajout d'un sujet sur des verbes transitifs rend le traitement syntaxique de l'ancien sujet plus délicat, notamment pour les langues qui n'autorisent pas les propositions à objets multiples.

Pour les langues qui ont plusieurs procédés morphologiques causatifs, il est fréquent que la symétrie intransitif/transitif et transitif/ditransitif ne soit pas respectée dans toutes les constructions causatives. Dixon (2000 : 47) décrit, ainsi, les suffixes de causation de la langue mishmi (branche bodic de la famille tibéto-birmane, Nord-Est de l'Inde). Il y a dans cette langue deux suffixes de causation : –bo et –syig. Le morphème –bo est utilisé pour construire une causative dans laquelle on ne spécifie pas le causateur, seul le causataire apparaît (264a.). Tandis qu'avec le morphème –syig, seul le causateur est spécifié (264b.). Pour que les deux participants soient spécifiés en même temps, le verbe doit être marqué deux fois (264c.).

‘264 a. há0 tapé0 thá0-de-bo
1sg+NOM rice eat-TENSE-CAUS1
I (causee) was made to eat rice (by someone - unstead but implied causer)’ ‘ b. há0 tapé0 thá0-syig-a
1sg+NOM rice eat-CAUS2-TENSE
I (causer) made (someone – unstead but implied causee) eat rice’ ‘ c. há0 thá0-syig-a, nyú thá0-de-bo
1sg+NOM eat-CAUS2-TENSE 2sg+NOM eat-TENSE-CAUS1
I made you eat’

Le marquage particulier des causateur et causataire est assez rare (264c.). En revanche, on trouve dans beaucoup de langues, le type de proposition (b.) marquage du causataire seul en cumulant une marque de causatif et une marque de passif, comme on peut le voir dans la traduction en anglais de la proposition (b.) I was made to eat rice.

Lorsque les causatives de transitive ne montrent pas de variation, il y a plusieurs traitements possibles pour les différents arguments de la proposition. Nous reprenons ici le tableau de Dixon (2000 : 48) auquel nous ajoutons une colonne indiquant les langues qui montrent ces différents types de constructions.

type causer original A (causee) original O languages
(i) A special marking O Nivkh
(ii) A retains A-marking O Kabardian (North-west Caucasian)
(iii) A has O-marking has O-marking Tariana
(iv) A O non-core Javanese, Swahili
(v) A non-core O French

Le procédé morphologique utilisé en wolof est celui de l'affixation, plus précisément la suffixation. Il existe 5 suffixes identifiables comme causatifs –e, –al, –lu, –looet –le, nous allons les présenter séparément et dans cet ordre. Nous pouvons déjà préciser que, le wolof ayant des verbes ditransitifs dans les causatives morphologiques de transitifs, sans variation, le causataire et l'objet du verbe non dérivé sont tous les deux traités comme objets, ce qui correspond au type (iii) du tableau 31. Autrement dit, les formes verbales dérivées de transitives traditionnelles présentent des structures syntaxiques de véritables verbes ditransitifs.