A – 4.3. Le suffixe –lu

Ce suffixe ne s'applique que sur des verbes d'activité. Il existe également une autre restriction qui relève de la sémantique que nous développons au point B – 2.3.2.. Une particularité de ce suffixe est que l'on n'observe pas d'augmentation de la valence syntaxique. Ainsi, lorsque lu s'applique sur des verbes transitifs, les structures syntaxiques restent transitives. Les structures avec –lu peuvent être décrites de la façon suivante : le sujet du verbe transitif dérivé est un causateur et l'objet patient du verbe reste un patient et ne peut être considéré comme le causataire. Dans l'exemple 278a., le sujet na 'il' de tëj 'fermer' est l'agent de l'action et bunt bi 'la porte' est l'objet patient qui subit la transformation. Avec la forme dérivée (278b.), le sujet naa 'je' est le causateur, ce n'est pas lui qui agit dans la fermeture de la porte qui reste, elle, l'objet patient de l'action.

‘278 a. Tëj na bunt bi ? (Fal)
fermer P3S porte déf.
A-t-il fermé la porte ?

b. Tëjlu naa bunt bi
fermer-lu P1S porte déf.
J'ai fait fermer la porte.’

Ainsi, avec les structures transitives, les verbes dérivés restent transitifs, mais le sujet au lieu de représenter l'agent immédiat représente un causateur, tandis que l'objet reste un objet patient. Cette marque causative n'autorise pas l'apparition du causataire.

‘279 a. Kenn ñawagul mbubb mi, dañu ko dog rekk. (Fal)
personne coudre-Nég3S boubou déf. EVerb3P 3S couper seul.
On n'a pas encore cousu le boubou, on l'a seulement coupé.

b. Damay ñawlu roob. (Diouf)
EVerb1S-inacc. coudre-lu robe
Je fais coudre une robe.’ ‘280 a. Damay dem màrse ba ñów a sang xale bi. (Fal)
EVerb1S-inacc. partir marché temp. venir d.v. laver enfant déf.
Je vais d'abord au marché avant de baigner l'enfant.

b. Dafay sanglu gànjaru xaalisam. (Fal)
EVerb3S-inacc. laver-lu bijoux-conn. argent-poss3S
Elle fait nettoyer ses bijoux d'argent.’

Bien que ce suffixe soit présenté comme ne pouvant s'appliquer que sur des verbes transitifs, nous avons trouvé dans notre corpus le cas de ree 'rire'. Il s'agit d'un verbe monovalent qui peut prendre le suffixe –lu, et qui reste monovalent avec ce suffixe.

‘281 a. Waa dëkk ba di ree (Contes)
habitant village déf. inacc. rire
Les gens du village se tordirent de rire.

b. Colinam a jëkka reelu… (Fal)
manière.de.s'habiller-poss3S ESuj devancer-d.v. rire-lu
C'est d'abord sa manière de s'habiller qui est comique…’

Les informateurs avec lesquels nous avons travaillé ont des réticences quant à la productivité de cet emploi. Tout d'abord peu de verbes monovalents semblent pouvoir fonctionner avec –lu, mis à part ree, les autres verbes sont les verbes de mouvement. En outre, seules les formes d'emphatisation du sujet et du verbe sont acceptées.

‘282 Dafa reelu
EVerb3S rire-lu
Il est marrant/ c'est rigolo litt. Il/Ça fait rire’ ‘283 Dafa dawlu
EVerb3S courir-lu
Il/C'est effrayant litt. Il/Ça fait courir’

Même si le cas de ree reste difficilement explicable, on peut supposer que les verbes de mouvement acceptent la dérivation en –lu à cause des particularités sémantiques de leur sujet. Ainsi, à la différence de la dérivation en –al, ici, c'est le caractère agentif du sujet qui permettrait cette dérivation.

Le mécanisme de ce suffixe est l'ajout d'un causateur et la disparition de l'agent (causataire). Nous passons maintenant au morphème causatif –loo.