Lorsque nous avons décrit les causatives périphrastiques du wolof, nous avons vu que le lexème verbal bàyyi signifiant 'laisser' permet de donner un rôle sémantique particulier au causateur. Ces différents sémantismes proviennent du fait que le causateur peut montrer différents degrés de volonté, de contrôle sur l'action causée. Le rôle du causateur peut donc être compris avec un sens relativement plus large, pouvant englober celui qui laisse faire, celui qui fait faire d'une façon forcée, celui qui aide à faire ou tout simplement celui qui participe. Ces différents sens dépendent en wolof de constructions différentes. L'originalité de cette langue est que ces nuances n'apparaissent pas seulement au niveau de choix lexicaux dans les causatives périphrastiques, mais aussi au niveau du choix entre plusieurs suffixes dans les causatives morphologiques. Le suffixe –le permet d'indiquer que, tout en favorisant le déclenchement de l'action (ce qui permet de le rattacher au rôle de causateur), le référent du sujet n'est toutefois pas l'initiateur exclusif de cette action. Il existe en wolof d'autres suffixes qui permettent d'exprimer différents degrés de participation pour une même action. Ils seront présentés dans la partie portant sur la co-participation (chapitre 7). Si nous séparons le suffixe –le de ces autres suffixes, c'est que les modifications syntaxiques ne sont pas les mêmes. Dans la partie traitant du marquage de la co-participation en wolof, nous verrons que les participants qui sont impliqués dans une action commune sont introduits en position sujet à l'aide d'indices ou sont dissociés un des participants et introduits en position sujet et l'autre est introduit à l'aide de la préposition ak 45 . Alors que les modifications syntaxiques qui surviennent dans le marquage d'un participant qui aide à la réalisation d'une action avec le suffixe –le relève de ce que l'on a déjà observé avec les autres morphèmes de causation. C'est-à-dire que l'agent de l'action 'causée' est en position objet, tandis que l'argument ajouté par le suffixe –le, celui qui aide, est introduit en position sujet, comme causateur de l'action.
Dans les exemples (289 à 294), les formes non dérivées sont des verbes monovalents ou bivalents, les formes dérivées correspondantes voient leur valence augmenter et l'ancien sujet agent devient un causataire objet agent.
‘289 Jubale naa ñi doon xuloo. (Fal)Comme le montrent ces exemples, le suffixe –le peut s'appliquer à des verbes d'activité et des verbes inchoatifs (xuuloo 'se disputer') y compris les verbes de mouvement. Nous verrons dans le chapitre 9 que les verbes d'état dérivés en –le ne montrent pas les mêmes modifications et ne peuvent être présentés comme des verbes causatifs. Cependant, dans notre corpus, nous avons trouvé un cas de verbe d'état pour lequel la dérivation doit être identifiée comme causative.
‘295 Ndax ñu mën leen a xámmee, ñu leen di ráññle : (Contes)Ces constructions sont contraintes par la stratégie comitative (cf. chapitre 1, B – 4. 2.1.) et seront décrites en détail pour les marqueurs de co-participation dans le chapitre 7.