A – 5.2. Les causatives lexicales à une forme

Les causatives lexicales à une forme s'appliquent à des verbes bivalents qui peuvent intervenir dans des propositions soit de façon transitive, soit de façon intransitive, et où l'utilisation transitive est causative par rapport à l'intransitive.

Beaucoup de verbes bivalents ont une valeur causative, dans le sens où l'action de l'agent provoque un processus de changement d'état pour l'objet patient. Traditionnellement, de tels verbes ne sont pas considérés comme des causatifs. Cependant, dans certaines théories récentes, ces verbes permettent d'expliquer différents phénomènes syntaxiques, ils sont à la base de classes lexicales (Van Valin et La Polla 1997, Van Valin 2001) ou des processus de lexicalisation (Talmy, 2000). Croft (1994) a formalisé la causation de certains verbes du lexique de la façon suivante.L'événement Le caillou casse la fenêtre est un événement causatif car il comprend les trois segments du réseau causal.

Les exemples de l'anglais ci-dessous nous montrent ce que l'on entend par causatives lexicales à une forme.

‘299 a. The door opened.
La porte s'est ouverte.

b. He opened the door abruptly.
Il a ouvert brusquement la porte.’

Ces lexèmes sont dits ambitransitifs ou labiles. Il y a à ce niveau une très grande variation entre les langues. Certaines vont présenter un très grand nombre de ce type de verbes, par exemple, en bambara, apparemment tous les verbes transitifs peuvent fonctionner sur ce système (Creissels, CP). D'autres, en revanche, en auront très peu. En tswana, il y aurait seulement 2 ou 3 verbes qui fonctionneraient de cette façon (Creissels, CP). Il est important de noter que tous les verbes bivalents qui peuvent avoir des utilisations transitives et intransitives dans les propositions, ne présentent pas toujours cette opposition causative/non causative. Ainsi, en français, certains verbes ambitransitifs, tels que manger, chanter… peuvent être décrits comme des événements causatifs lorsqu'ils sont utilisés dans des propositions de façon transitive. En revanche, leur correspondant intransitif n'est pas non causatif. L'événement 'je mange' est toujours une causation, la différence porte sur le fait que l'objet qui subit le changement n'est pas précisé.

‘300 a. Je mange une pomme
b. Je mange’

Nous voulons faire à ce propos deux remarques. Pour les exemples du français, la différence entre les deux utilisations possibles d'un verbe ambivalent rejoint une opposition voix active (forme transitive) – voix antipassive (forme intransitive) lorsque la différence transitive/intransitive est marquée sur le verbe. Tandis que les verbes ambivalents de l'anglais rejoignent une opposition voix active (transitif) – voix moyenne (intransitif) lorsque cette opposition est marquée sur le verbe. Nous reviendrons dans une autre partie sur les caractéristiques de l'antipassif 46 . En ce qui concerne la voix moyenne et plus précisément son interaction avec les causatives lexicales, nous pouvons poser que la fréquence des causatives lexicales à une forme dans une langue dépendra principalement de son absence de marquage de voix moyenne. Autrement dit, nous posons que les causatives lexicales de l'anglais du type open (open intransitif non causatif / open transitif causatif) peuvent être ramenées à l'opposition open intransitif - moyen sans marque / open transitif causatif. À cette hypothèse, il nous faut tout de même ajouter le fait que, comme nous l'avons vu dans la partie portant sur la voix moyenne, dans les langues qui ont un marqueur moyen, certaines classes verbales échappent à ce marquage. Il se peut donc que même dans les langues à marquage moyen, on trouve des causatives lexicales à une forme qui se ramènent à l'opposition intransitif – moyen sans marqueur vs. transitif causatif. Ces causatives lexicales seront trouvées dans les classes verbales qui échappent au marquage moyen.

Dans la section suivante, nous allons présenter les causatives lexicales que l'on trouve en wolof. Nous pouvons poser qu'au niveau des causatives lexicales à deux formes, nous trouverons les causatives dérivées par –e. Au niveau des causatives lexicales à une forme, sachant que le wolof a un marqueur de dérivation moyen, nous pouvons supposer que nous ne trouverons pas de causatives lexicales à une forme dans cette langue, sauf dans les classes verbales que nous avons décrites comme échappant au marquage verbal. Nous attacherons donc une attention particulière aux verbes de posture.

Notes
46.

cf. chapitre 8.