Conclusion

Les valeurs sémantiques qui viennent d'être liées aux formes et constructions causatives du wolof ont quelque peu modifié les découpages effectués à l'intérieur de la première partie de ce chapitre.

Pour les causatives périphrastiques du wolof, nous avons vu que, sur le plan syntaxique, ces constructions peuvent être différenciées selon le lexème verbal qui permet de les construire et selon les types de complétive à travers lesquelles la causation est exprimée. D'un point de vue sémantique, seuls les lexèmes verbaux qui entrent dans ces constructions apportent des sens différents. S'il est possible de lier les causatives périphrastiques tax, def et bàyyi à la causation indirecte non intentionnelle, le caractère non volontaire du causateur varie ensuite selon le lexème utilisé pour construire la causative. La hiérarchisation établie entre ces constructions est la suivante : tax, def et bàyyi, dans un ordre de non intentionnalité croissant. Le faible degré de non intentionnalité des causatives en tax est encore plus marqué dans les causatives à prédicat complexe qui sur ce point constituent le degré intermédiaire, aussi bien sur le plan de la forme que sur le sémantisme entre les causatives périphrastiques et les causatives morphologiques en –loo.

Pour les causatives morphologiques, sur le plan syntaxique, nous avons mis en évidence 5 morphèmes de dérivation causative. Nous avons isolé un de ces suffixes des causatives morphologiques et l'avons rattaché aux causatives lexicales. Nous parlerons donc, ici seulement des causatives morphologiques, en faisant pour l'instant exception du –e. Le sémantisme lié à ces causatives permet de mettre en évidence trois éléments. Tout d'abord, il n'est pas possible de lier ce type de constructions causatives sous une même valeur sémantique. Chacune de ces causatives présente, d'un point de vue sémantique, des particularités. Tout d'abord, les causatives en –le permettent d'exprimer uniquement une causation sociative (action jointe et assistive), les causatives en –lu peuvent également exprimer une causation sociative et sont liées aux causatives en –loo dans l'expression de la causation indirecte. Du reste, cette disparité des fonctions sémantiques entre ces différents types de causatives montre que les causatives morphologiques sont une catégorie causative intermédiaire et ce, aussi bien sur le plan syntaxique que sur le plan sémantique. Enfin, la spécificité du suffixe –le, dans l'expression exclusive d'une causation sociative, permet de mettre en évidence une des caractéristiques de la langue wolof. Nous avons déjà noté que ce type de sémantisme est généralement véhiculé par une construction qui permet par ailleurs d'exprimer d'autres sémantismes. Certaines constructions du wolof, telles que les constructions en –lu ou les constructions –al et –e, fonctionnent sur ce principe, alors que les caractéristiques du suffixe –le sont, elles, relativement rares. Ainsi, les particularités de la richesse de dérivation de cette langue peuvent être mises en évidence, d'une part par cette spécialisation de –le, d'autre part par la richesse de dérivation à l'intérieur même de la voix causative. Même exception faite du suffixe –e qui n'est plus productif, la voix causative peut être construite à l'aide de quatre morphèmes qui recouvrent à eux seuls l'ensemble des valeurs sémantiques attribuées généralement à l'ensemble du système causatif d'une langue. Ce qui permet d'avoir des nuances très précises reliées à des constructions particulières.

Pour les causatives lexicales, sur le plan de la forme, nous avons indiqué que le lexique du wolof contient peu de causatives lexicales. Cette rareté est compensée par la spécialisation d'un suffixe causatif – le suffixe –al. En outre, nous avons inclus dans ce groupe des paires de mots pour lesquels il est possible de retrouver une dérivation en –e, car cette dernière n'est plus productive. Sur le plan sémantique, la répartition ne se fait pas entre les formes lexicales labiles et les formes lexicales dérivées. Ainsi, comme pour les causatives morphologiques, il n'est pas possible de dégager un sémantisme général pour les causatives lexicales. Les causatives lexicales labiles transitives partagent avec les causatives en –e l'expression de la causation directe mais ne peuvent avoir de valeur sociative. Les causatives labiles ditransitives constituent à l'intérieur des causatives lexicales une catégorie à part, elles ne permettent pas d'exprimer de causation directe. Comme les causatives morphologiques en –lu, ce sont des causatives qui ont un champ sémantique très large, qui comprend la causation indirecte et la causation sociative dans son ensemble. Il est intéressant de noter que ces deux causatives sont celles qui, en wolof, ont le champ sémantique le plus large mais qui sont les moins fréquentes, chacune pour des raisons différentes. La restriction, pour les causatives lexicales labiles ditransitives, porte sur le fait que la langue ne permet pas de dériver des verbes causatifs sur la base de tous les verbes transitifs lexicalement causatifs. Seuls quelques verbes peuvent avoir ces contreparties d'un point de vue lexical. Ce sont généralement les verbes qui expriment des situations fréquentes, habituelles et pour lesquelles la présence de trois participants est courante. Tandis que pour les constructions en –lu, les restrictions proviennent de la valeur de bénéficiaire qui dans cette construction s'ajoute au rôle de causateur. Ainsi, ce suffixe ne peut s'appliquer que sur des verbes qui renvoient à des actions qui peuvent apporter un bénéfice au causateur.

Dans le chapitre suivant, nous présentons les dérivations applicatives. Les modifications qui interviennent avec cette dérivation ne sont pas du même ordre que pour la causation. La voix applicative introduit un argument en position objet et cet argument n'a jamais un rôle sémantique proche de celui d'agent. Les morphèmes qui sont utilisés dans le marquage de la voix applicative sont –al et –e. Ce n'est qu'une fois que nous aurons clairement défini les caractéristiques liées à ces suffixes dans la voix applicative que nous pourrons aborder les problèmes que posent l'homonymie entre ces suffixes applicatifs et ceux des morphèmes de dérivation causative –al et –e (cf. chapitre 6).