B – 1.3. Les fonctions de l'applicative –al

Dans le chapitre 1, lorsque nous avons traité des prépositions et des arguments que ces dernières permettent d'introduire, nous avons distingué deux prépositions qui introduisent les rôles sémantiques affectés par la dérivation applicative en –al ; le comitatif est introduit par ak et le récepteur par ci. Dans cette section (B – 4. 2.), le bénéficiaire n'est jamais présenté, parce qu'il n'existe pas, dans cette langue, de préposition pouvant introduire ce type de participant. Dans certaines descriptions wolof, les bénéficiaires sont pourtant parfois présentés comme introduits par une préposition. Church (1981) propose des bénéficiaires introduits par ci et Njie (1982, wolof de Gambie) des bénéficiaires introduits par une préposition pur. Nous n'avons pas repris ces possibilités dans notre analyse pour deux raisons. La préposition pur n'apparaît dans aucun conte, ni dans Fal (1990 et 1999) et les informateurs sénégalais avec lesquels nous avons travaillé n'acceptent pas ce type de construction. Quant à la préposition ci, comme nous l'avons vu, elle permet d'introduire des locatifs et par métaphore, différents rôles tels que récepteur… mais jamais des compléments de type bénéficiaire, dans les recherches que nous avons effectuées, sauf dans un cas bien précis. Certaines propositions ont la particularité d'avoir un verbe principal transitif dérivé par –al qui introduit un participant comitatif ou récepteur, mais dans lesquelles la présence d'un bénéficiaire est nécessaire. L'introduction du bénéficiaire se fait alors à l'aide de la préposition ci. Dans les exemples ci-dessous, les bénéficiaires, quelle que soit leur particularité non humain pour ci tàngatam ji et humain pour ci néew-ji-doole, sont introduits par la préposition ci.

‘376 Xasum mbéb lañu ko digal ci tàngatam ji.
écorce-conn. Sterculia EC3P 3S promettre-al loc. bouffée.de.chaleur-poss3S déf.
On lui a conseillé l'écorce de Sterculia setigera pour ses bouffées de chaleur.’ ‘377 Na la Yàlla bindal tuyaaba, ci jëf ju rafet ji nga def,
man. EC3S Dieu écrire-al récompense loc. chose conn. joli déf. N2S faire

jëmale ko ci néew-ji-doole yi ! (Fal)
se.diriger-al-e 3S loc. pauvre déf.P.
Que Dieu te récompense pour la belle action que tu as faite en faveur des pauvres !’

Ceci nous conduit à poser l'hypothèse que le recours à la préposition ci est utilisé pour le bénéficiaire, par affinité avec le récepteur, pour éviter des constructions avec un nombre d'objets trop important. Ce qui explique également la faible fréquence des ditransitives dérivées par –al et le fait que la double dérivation applicative ne soit pas attestée en wolof.

Cette particularité de l'applicative dégagée pour le bénéficiaire ne nous semble pas gênante pour regrouper le récepteur et le bénéficiaire d'une part et isoler le comitatif d'autre part selon les modifications syntaxiques qu'entraîne –al.