B – Amalgame des suffixes –le, –loo et –lu

Dans cette section, nous revenons sur les morphèmes causatifs –le, –lu et –loo. Face à ces formes, l'hypothèse d'un cumul de suffixes ne peut être évitée. Cependant, nous ne pourrons pas confirmer un tel amalgame. Nous voulons seulement revenir sur l'hypothèse avancée par Church qui peut, à notre avis, renforcer l'étude précédente du syncrétisme et montrer que l'extension des fonctions peut s'effectuer dans les deux sens.

Comme nous l'avons dit précédemment, nous n'avons pas à notre disposition suffisamment de données diachroniques sur le wolof ou sur la branche ouest-atlantique Nord, ni assez de données sur les autres langues de la famille pour confirmer ces hypothèses d'amalgame. Nous savons seulement que pour les langues de la branche Nord, il est possible de reconstruire un suffixe *–an/aL (applicatif) et un suffixe *–En/el (causatif). Cependant, au vu des formes des marqueurs causatifs et d'après la discussion menée dans les sections précédentes sur le syncrétisme causatif/applicatif, un amalgame de suffixes pour –le, –lu et –loo sur des bases sémantiques peut être tenté. Ainsi, les suffixes causatifs peuvent être le résultat des combinaisons suivantes dans lesquelles le suffixe –al contrairement à ce que l'on pourrait attendre serait celui de l'applicatif.

–le al-e
–lu al-u
–loo al-u-e

Dans la littérature sur le wolof, différentes hypothèses ont été émises pour l'amalgame possible des formes –lu et –loo. Dans cette section, nous n'apportons pas de nouvelles hypothèses sur cet amalgame. Nous voulons simplement indiquer qu'au vu des descriptions que nous avons effectuées pour les fonctions des suffixes qui sont censés composer les suffixes –lu et –loo, les modifications sémantiques qu'impliquent ces formes composées ne sont plus tout à fait équivalentes à un simple cumul des formes –al-u et –al-u-e, ce qui n'est pas surprenant. Par rapport aux modifications syntaxiques, la réduction de la valence du suffixe –lu est compatible avec l'hypothèse d'un suffixe –u moyen et les constructions –loo sont, elles, compatibles avec le suffixe –e applicatif qui augmente la valence diminuée par –u.

Dans les différentes hypothèses d'amalgame, le suffixe –le n'est jamais considéré. Cette absence s'explique parce que certains ne le traitent pas (Njie, 1982) ou ceux qui le traitent ne l'insèrent pas avec les autres marqueurs causatifs (Ka, 1981 et Fal, 1999). Seul Church (1981) intègre le suffixe –le avec les autres suffixes causatifs, mais ne parle pas d'amalgame pour cette forme.

Dans la section suivante, nous reprenons l'hypothèse de Church (1981) sur les amalgames qu'il propose et les différences que l'on peut mettre en évidence entre l'identification qu'il fait des suffixes causatifs et notre regroupement. Puis nous reviendrons sur l'identification du suffixe –al qui peut être à l'origine de ce cumul et observerons les conséquences de cette identification sous l'angle du syncrétisme.