Chapitre 7 – La co-participation

Dans ce chapitre, nous allons présenter différents suffixes qui marquent des situations où plusieurs participants réalisent une même action ou sont affectés par une même action. Autrement dit, nous allons présenter des dérivations qui indiquent que l'événement met en jeu plusieurs participants qui jouent un même rôle dans le procès. Ces suffixes modifient en partie les rôles sémantiques des participants en les présentant comme agent et co-agent ou patient et co-affecté. Parmi ces suffixes, nous incluons également le marqueur de la réciprocité qui indique que les participants jouent les mêmes rôles dans l'événement l'un sur l'autre et sont donc à la fois agent et patient du procès décrit par le prédicat.

Les différentes fonctions que nous allons reconnaître pour ces dérivations sont dans les langues du monde, le plus souvent, l'effet d'un seul marqueur (Schladt (1998), Maslova (2000, à paraître)). Les paramètres fournis dans la littérature typologique mettent en avant la reconnaissance d'un même marqueur pour différents sémantismes. Les différentes fonctions que possède ce marqueur unique relèvent de l'expression d'actions collectives et de réciprocité (Lichtenberk, (1985, 1999, 2000), Maslova (2000, à paraître)). Ces fonctions peuvent également être l'effet d'un marqueur dont la fonction première est la fonction réfléchie (Klaiman (1991), Kemmer (1993), Lichtenberk (1985, 1999, 2000)).

Les particularités du wolof ne nous permettent pas de faire de tels liens. Dans les descriptions du wolof, au marqueur –ante est généralement liée la fonction réciproque et aux marqueurs –aale, –andoo, –oo et –e sont liées différentes fonctions d'action collective, définies de façon plutôt floue, englobant l'accompagnement et la réciprocité. Autrement dit, selon toutes apparences les fonctions d'actions collectives (co-participation) et de réciprocité sont marquées dans cette langue par des dérivations différentes mais couramment présentées comme plus ou moins synonymes. En conséquence, à la différence des autres chapitres, nous ne débutons pas par une présentation typologique qui, comme nous venons de l'indiquer, traite essentiellement de la polysémie des marqueurs réciproques.

Le plan de ce chapitre est le suivant. L'étude des marqueurs d'action collective et de réciprocité implique l'analyse de propositions à sujet pluriel. Dans le chapitre 1, nous avons montré que ce type de proposition dépend en wolof de contraintes liées à la stratégie comitative. Dans un premier temps, nous revenons donc sur ces contraintes, afin de rappeler que l'absence de sujet pluriel ne correspond pas toujours, dans cette langue, sur le plan conceptuel, à un seul participant agentif, mais dépend de contraintes morphosyntaxiques.

Ensuite, nous décrivons le sémantisme que chacune des marques véhicule dégageant ainsi les différentes fonctions de ces suffixes ; nous tentons également de voir en quoi le marquage d'une même fonction générale de réciprocité peut être différencié. Dans une autre section, nous montrons alors que le(s) sémantisme(s) véhiculé(s) par ces dérivations provient en fait de la composition des suffixes, dans lesquels il est possible de dégager une marque commune. Les autres formes qui les composent complètent et nuancent le sémantisme de ce marqueur commun. Nous présentons plusieurs hypothèses de grammaticalisation et considérations typologiques qui corroborent cette hypothèse.