A – 1.0. Le suffixe –aale

Dans cette section, nous présentons uniquement les différents sémantismes que nous avons pu repérer pour –aale. Une étude plus fine permettrait sans doute de dégager un sens général qui pourrait expliquer les différentes fonctions que peut remplir cette forme. Notre principal intérêt dans cette section est de montrer que –aale peut seulement être présenté comme un suffixe de co-participation dans des cas assez rares, généralement une lexicalisation, et permet d'autres rapprochements qui ne nous autorisent pas à l'inclure avec les autres suffixes décrits par la suite.

Les quelques cas où –aale tend à avoir une valeur co-participative est avec des verbes lexicalisés tels que nekkaale 'vivre en concubinage' (467). Même dans le cas de deewaale 'mourir avec' (468), il s'agit d'une lexicalisation, puisque des événements de type, Je ne veux pas mourir avec ma femme, nécessitent la marque –andoo et non –aale.

‘467 Séyuñu dañuy neekaale (Fal)
ê.marié-Nég3P EVerb3P-inacc. se.trouver-aale
Ils ne sont pas mariés, ils vivent ensemble (en concubinage).’ ‘468 Dama bëggul deewaale ag sama ndaw. (Contes)
EVerb1S vouloir-nég. mourir-aale avec poss1S virginité
Je ne veux pas mourir avec ma virginité.’

De plus, comme on peut le voir dans l'exemple 469, le suffixe –aale permet de supposer un second participant, ce qui est possible avec le marqueur de réciprocité –ante avec seulement quelques verbes (470).

‘469 Boo waxaale woon bu baax, dina wàññi njëg gi. (Fal)
hyp.-N2S marchander PASSÉ jonc. ê.bien FUT3S baisser prix déf.
Si tu avais bien marchandé, il aurait diminué le prix.’ ‘470 dinga ñefante paaka, (Contes)
FUT2S battre-ante couteau
Tu te battras au couteau,’

Nous allons maintenant présenter au gré des exemples recueillis les différentes valeurs que l'on peut attribuer au suffixe –aale. Dans l'exemple 471, le verbe est également lexicalisé et –aale permet de lier deux objets, non explicités dans la proposition, comme des patients d'une même action avec la précision que cette action est subie de façon simultanée par les deux objets.

‘471 Faatoo ngi taalaale. (Fal)
Fatou-Prés. Prés. faire.revenir.les.oignons.avec.de.la.tomate
Fatou est en train de faire revenir les oignons avec de la tomate.’

Dans l'exemple 472, le suffixe lie deux événements et exprime également la simultanéité.

‘472 Bi may jàngee, doxalaale naa liggéey bi.
temp. N1S-inacc. étudier-ANT marcher-al-aale P1S travail déf
En même temps que j'étudiais, je faisais avancer le travail.’

Dans l'exemple 473, l'utilisation de –aale dépend d'un contexte antérieur ou de connaissance particulière. La dérivation ne signifie pas que l'arachide et le mil sont plantés dans le même champ ou au même moment, mais que la personne qui parle plante d'habitude d'autres produits et plante cette fois en plus de l'arachide et du mil.

‘473 Maa ngi jiaale gerte ak dugub. (Church)
Prés1S Prés. semer-aale arachide avec mil
Je sème en même temps l'arachide et le mil.’

Dans l'exemple suivant, –aale a la même fonction que dans l'exemple précédent. Le jeune homme de l'histoire attend la mort du marabout pour hériter de tout ce qui lui appartient, y compris de sa jeune épouse.

‘474 (Ma donn kër, donn ab toolam)
ba donnaale ca séetub daawam, (Contes)
temp. hériter-aale loc. épouse-conn. an.dernier-poss3S
(J'hériterai de sa maison, j'hériterai d'un de ces champs), en même temps j'hériterai de son épouse de l'an dernier.’

On trouve également une autre utilisation de ce suffixe assez difficile à expliquer. Il semble que le suffixe permet de donner une idée de mouvement immédiat, elle est attestée, pour les verbes de transfert (475 et 476), mais n'est pas forcément restreinte à cette classe de verbe. Cette dérivation est décrite comme possible avec la même signification par Ka (1981) pour des verbes tels que baax 'bouillir', nuyu 'saluer', defar 'fabriquer' où l'idée de mouvement est traduite par 'en profiter pour…'.

‘475 Buumu xalam gi yóbbaale na la, (Fal)
rythme-conn. luth déf. emporter-aale P3S 2S
Le rythme de ce luth t'emporte (te berce),’ ‘476 Bi muy ñów, dafa indaale xorom su bari (Contes)
temp. N3S-inacc. venir EVerb3S apporter sel.de.cuisine. jonc. ê.nombreux
En venant, il avait apporté avec lui une grande quantité de sel de cuisine.

D'après nos informateurs, la différence se situe sur le fait qu'à l'impératif, par exemple, la forme dérivée est utilisée uniquement si la personne à qui s'adresse l'ordre est en train de se diriger vers l'autre. La forme non dérivée à l'impératif est utilisée dans les autres cas.

D'après les différentes fonctions que nous venons d'illustrer, le suffixe –aale semble plus ajouter une idée de simultanéité et porte rarement l'idée d'une action réalisée à plusieurs participants. En conclusion, même s'il est évident que cette dérivation a des affinités particulières avec la co-participation, les effets de sens varient tellement d'un verbe à l'autre qu'il ne semble pas possible de dégager un signifié à la fois général et relativement précis. Dans les sections suivantes, nous n'aborderons donc plus ce suffixe. Nous présentons les marqueurs qui véhiculent différents degrés de co-participation allant jusqu'à la réciprocité. Nous commençons le suffixe –andoo.