Chapitre 8 – La voix antipassive

Introduire une voix antipassive dans le système des voix du wolof peut paraître surprenant. Traditionnellement, la voix antipassive est un mécanisme de réduction de la valence présenté comme spécifique aux langues ergatives. Ce mécanisme de réduction touche uniquement l'objet qui est soit destitué en oblique, soit impossible à insérer dans la proposition. Ces modifications ont le plus souvent des fonctions pragmatiques d'emphatisation du sujet ou de généralisation de l'action dénotée par le prédicat. La notion d'antipassif est parfois utilisée pour des phénomènes de réduction de la valence dans certaines descriptions de langues accusatives, mais cette appellation est souvent remise en cause car la ressemblance avec ce qui est décrit dans les langues ergatives est seulement partielle. Lorsque la notion de construction antipassive est utilisée pour les langues accusatives, il s'agit généralement du même phénomène de réduction de la valence, mais soit aucun marqueur n'est identifiable, soit le marqueur est identique à celui de la voix moyenne. On peut à ce propos citer Postal (1977) qui appliquait déjà la notion d'antipassif aux constructions intransitives du français, ou Givón (2001) plus récemment. En revanche, en wolof les mécanismes de réduction de la valence qui ont, le plus souvent, des valeurs généralisantes sont marqués morphologiquement sur le prédicat et ce morphème ne peut être rattaché à celui de la voix moyenne, ce qui va dans le sens d'une relative ressemblance avec ce qui est observé dans les langues ergatives.

En revanche, dans une langue accusative, il est exclu de trouver des antipassifs dont l'emploi serait motivé, comme c'est le cas dans certaines langues ergatives (maya, par exemple), par l'impossibilité d'effectuer sur les sujets de constructions transitives des opérations comme la focalisation, l'interrogation ou la relativisation.

Dans la première section, nous allons d'abord montrer que certaines fonctions véhiculées par la dérivation antipassive dans les langues ergatives, et notamment la fonction de réduction de valence, se retrouvent dans certaines langues accusatives, véhiculées par des marqueurs de voix moyenne. Ensuite, nous montrons que certaines langues accusatives ont pour ces fonctions un marqueur particulier, que l'on peut donc identifier comme un marqueur antipassif.

Une fois cette mise au point effectuée, nous présentons les différentes formes et fonctions que véhiculent les constructions antipassives, puis nous observons les caractéristiques que montrent les antipassives en wolof.