L'observation des modifications qu'entraîne le suffixe –e sur l'organisation des arguments montre que seules les constructions non canoniques sont représentées dans cette langue. C'est-à-dire que l'ancien objet du prédicat est omis et ne peut jamais être repris sous forme d'oblique dans la proposition dérivée, même par la préposition ci qui permet dans cette langue d'introduire le récepteur 67 omis dans cet exemple (532b.).
‘532 a. Géej ga jox ko wenn jën. (Contes)L'argument omis dans la construction 532b est un récepteur et il semble que dans la majorité des cas, ce soit cet argument qui est omis. Ce fonctionnement de l'antipassif est particulier au wolof. Dans les langues à construction antipassive, l'omission du récepteur n'est pas prototypique. Même en nahuatl où l'omission de ce type d'argument est possible sur les verbes ditransitifs (533 et 534), l'antipassive a dans cette langue une utilisation beaucoup plus étendue que le marqueur –e du wolof.
‘533 ni-k-te:-maka in So:tSitl.Cette affinité particulière de l'antipassif du wolof avec l'argument récepteur a été mise en évidence pour les verbes ditransitifs. Il est également possible d'identifier comme récepteur l'argument omis lorsqu'on applique ce morphème au verbe transitif woo 'appeler' (535).
‘535 a. Toogal ma woo saay jigéen ñu wettëli la. (Contes)Autrement, pour les quelques verbes transitifs qui reçoivent cette dérivation, l'argument omis est un patient.
‘536 a. Xaj a ko màtt. (Fal)Certains même présentent une dérivation lexicalisée. Le verbe transitif bëgg 'vouloir, aimer' fonctionne avec l'antipassif, mais la forme bëgge signifie 'être cupide', il semble donc plus probable que la dérivation soit basée sur le sens de 'vouloir de l'argent'.
‘538 a. Bëgg na Abdou.Cette affinité et les exceptions que l'on peut relever semblent être le reflet de la perte de productivité de ce marqueur que l'on retrouve dans l'absence de marquage lors de l'élision du récepteur avec certains verbes ditransitifs. En effet, l'ensemble des verbes ditransitifs ne fonctionne pas avec ce suffixe. L'omission du récepteur, comme celle de l'objet se fait avec certains ditransitifs sans marquage.
‘539 a. Teefankee ma jaay fas wi. (Fal)On peut toutefois penser que cette perte de productivité de l'antipassif wolof est un phénomène assez récent, puisque cette omission du récepteur reste productive sur les verbes dérivés par l'applicative –al lorsqu'il introduit un récepteur.
‘540 a. Yóbbu naa suukar bi ci yaay.Comme pour les constructions antipassives, leurs conditions d'utilisation dépendent de différents éléments liés soit à l'activité, soit aux caractéristiques de l'objet omis. Dans la section suivante, nous allons définir les contextes dans lesquels ces constructions peuvent être utilisées.
cf. chapitre 1 B – 4.2.2.