C – 3. Conclusion

Les constructions antipassives du wolof ont, sur le plan typologique uniquement, des structures non canoniques et les fonctions qu'elles véhiculent suivent celles décrites pour ces constructions dans les langues ergatives, sauf bien entendu celles qui peuvent être liées à l'impossibilité de soumettre le sujet agent d'une construction transitive à certaines opérations. Cependant, les constructions antipassives du wolof montrent des particularités que l'on ne retrouve ni dans les antipassives des langues ergatives, ni dans celles du nahuatl (langue accusative). Cette particularité est que le suffixe –e a une affinité particulière avec l'omission des arguments récepteurs, plutôt que patients. De ce fait, il fonctionne principalement avec les verbes ditransitifs et les verbes transitifs dont l'argument objet peut être rattaché à ce rôle sémantique. Cependant, nous avons montré que tous les verbes ditransitifs n'ont pas nécessairement recours à ce marqueur pour omettre l'argument récepteur et véhiculer les mêmes fonctions que les constructions antipassives. Ensuite, tous les verbes transitifs qui peuvent recevoir le marqueur antipassif n'ont pas un objet récepteur (yee 'réveiller'). Malgré ces exceptions, nous pensons que ces constructions ont des particularités qui peuvent être expliquées d'une part par une sorte de lexicalisation/spécialisation de ce marqueur, hypothèse qui semble être confirmée par la productivité du cumul –al (applicatif-récepteur) + –e (antipassif). D'autre part, une meilleure exploration du système de dérivation des langues accusatives apporterait sans doute d'autres pistes pouvant expliquer les fonctionnements actuels du marqueur –e antipassif de cette langue.

Une fois encore, nous venons de décrire une dérivation en –e qui n'est pas régulière et semble en voie de lexicalisation. Nous reviendrons dans un prochain chapitre sur les opérations qu'effectue cette forme, mais avant de pouvoir construire une hypothèse diachronique sur ce suffixe, nous allons aborder le dernier suffixe relevant de la voix qui contient également une forme –e, le suffixe –le.