A – 1.2. 'possessor raising' et 'datif possessif'

La notion de possession externe ou de 'possessor raising' a d'abord été utilisée pour caractériser les constructions également nommées 'à datif possessif' des langues romanes. Ces différentes dénominations peuvent avoir selon les auteurs des implications différentes. Ainsi, la notion de 'possessor raising' est limitée, pour certains, à des constructions où le possesseur est obligatoirement un élément déplacé dans une position syntaxique plus haute que celle dans laquelle se trouvait le syntagme génitival. Cette définition ne permet pas d'intégrer dans ces constructions les propositions du type 559, puisque l'élément déplacé (le possesseur) entre dans une fonction syntaxique moins haute (datif vs. objet).

‘559 Me da vueltas la cabeza.
To me turns the head = I'm dizzy.’

La définition proposée par Payne et Barshi n'implique pas cette restriction de déplacement dans une position plus haute. Ainsi, dans ce cadre, on peut dire que, selon les langues romanes, l'utilisation des constructions à 'datif possessif' est plus ou moins étendue. Le français standard les réserve aux possessions inaliénables, mais le roumain a une extension plus large.

‘560 a. Îmi iau caitya-l
(je) me prends cahier-le.
Je prends mon cahier.

b. Îi pleac trenu-l
(il) lui part train-le
Son train part.

c. proiecte-le îmi sunt curajoase.
les projets me sont courageux
Mes projets sont courageux.’

La fonction de ces constructions, en roumain, est décrite comme marquant une possession implicite. Le datif “suppose et révèle un fait antérieur au fait du discours : l'objet possédé est considéré comme ayant une relation inhérente avec le possesseur.” Timoc-Bardy (1996 : 244).

Si le sujet et l'objet possesseur (le plus souvent d'une partie du corps) sont co-référents, alors l'action est essentiellement réflexive. Le sujet et le possesseur ne sont pas dissociés d'un point de vue sémantique et référentiel.

Nous avons vu dans le chapitre 3 que ces constructions ne sont pas possibles en wolof. Les verbes dérivés en –u doivent forcément avoir en position sujet le patient de l'action : la partie du corps. Le possesseur est forcément mis en position structurelle de topique et n'entre pas dans la structure argumentale du prédicat.

‘561 a. Góor gii, loxoom dammu na.
homme dém. bras-poss3S casser-u P3S
Cet homme s'est cassé le bras. (litt : Cet homme, son bras s'est cassé)

b. Góor gii damm na loxoom.
homme dém. casser P3S bras-poss3S
Cet homme a cassé son bras.

c. Loxoom la damm góor gii.
bras-poss3S EC3S casser homme dém.
C'est son bras que cet homme a cassé.’

Ces propositions moyennes ont une fonction particulière liée au fait qu'ici le patient peut soit référer au participant humain, soit à la partie du corps affectée. Ces cas sont différents d'autres propositions moyennes qui utilisent selon les langues une stratégie différente. Les fonctions réfléchies indirectes font parfois intervenir des constructions à 'datif possessif' qui dans ce cadre sont parfois décrites comme des structures applicatives (Croft, 1994)). Dans ce cas, comme nous avons pu voir dans le chapitre 3, ces fonctions indirectes sont rendues en wolof par une dérivation applicative et l'utilisation du pronom réfléchi.

‘562 Tabaxal na boppam kër.
construire-al P3S REFL. maison
Il s'est construit une maison.’

La différence entre les propositions avec damm 'casser' et celles avec tabax 'construire' relève de ce que nous avons défini, dans le chapitre 3, comme des constructions moyennes indirectes pour les premières et des constructions réfléchies indirectes pour les deuxièmes, c'est-à-dire des actions impliquant une co-référence entre le sujet et le bénéficiaire. Les différentes stratégies mises en œuvre relèvent d'une co-référence plus évidente vs. moins évidente.