A – 2. Conclusion

De ces différents éléments, il ressort que la dérivation possessive –le est très proche des constructions à possession externe. Sur le plan de la définition de ces constructions, les propositions en –le remplissent toutes les conditions : le possesseur et le possédé entrent dans des positions syntaxiques différentes. Sur le plan de la forme, comme dans de nombreuses stratégies utilisées, la structure argumentale particulière de la proposition tend à interpréter, en l'absence de toute marque explicite, une relation de possession entre ces deux arguments. Sur le plan de la stratégie adoptée, le wolof serait à rapprocher des langues qui utilisent une marque de voix, cependant ce qui se passe dans cette langue n'entre pas de manière évidente dans le cadre d'une construction applicative. Dans les langues qui utilisent cette stratégie, l'argument ajouté est un bénéficiaire qui, dans ces constructions, s'interprète comme possesseur. En mohawk (563), ce nouvel argument occupe une fonction syntaxique d'objet, ce qui correspond à une construction applicative tout à fait prototypique. Seul le oluta popoluca (564) semble montrer une construction applicative non canonique puisque l'argument bénéficiaire/possesseur est en position sujet. En wolof, la dérivation applicative qui introduit un argument bénéficiaire s'effectue à l'aide du suffixe –al. Or, la forme actuelle de dérivation des CPE du wolof ne correspond pas à la marque de dérivation applicative. On peut toutefois supposer une ancienne double dérivation et poser une hypothèse diachronique d'un cumul de voix –al-e. Dans cette hypothèse de cumul, la forme –al correspondrait à la dérivation applicative actuelle, et la forme –e pourrait, d'un point de vue synchronique, s'apparenter au morphème de dérivation antipassive et au morphème de réciprocité, ce qui revient à postuler un ancien dérivatif *–e qui aurait eu une valeur générale d'intransitivation. Cette hypothèse diachronique permettant d'expliquer la forme de dérivation actuelle semble se renforcer si l'on observe le sémantisme de certaines utilisations non canoniques de la voix passive en japonais et le cumul de la dérivation applicative et de la dérivation passive dans certaines langues, notamment bantoues.