C – Évolution des marqueurs réciproques

L'étude des événements collectifs et réciproques des langues austronésiennes du groupe Océanique montre que le marqueur de pluralité de relations *paRi-verbe-i de ces langues est utilisé pour les situations suivantes : réciproques, chaînées, collectives, converses, distribuées, répétitives, dépatientives et moyennes (Lichtenberk, 2000). Notons que les fonctions répétitives et dépatientives sont des fonctions attribuées dans les langues ergatives à des dérivations de type antipassif impliquant sur le plan syntaxique soit la destitution de l'objet, son omission ou son incorporation.

Situation réciproque

‘613 Hli pe-yage-i
3DU PR-help-PR
They help each other.

to'aba'ita (Lichtenberk, 2000 : 35)

‘614 Wela kera futa kwai-suli
child 3PL:NONFUT be.born PR-follow
The children (siblings) were born in quick succession (in successive years).’

Situation collective

‘615 fe-lele-i
PR-run-PR
run together or simultaneously’

Situation converse"[…] in some languages the PR construction is used to encode situations where the roles of the relevant participants are not identical; rather, the participants stand in a converse relation to each other […]: one is the agent in an action in wich the other participant is the patient." (Lichtenberk, 2000 : 37-38)

‘616 Erau sa vei-'oti ti'o o Sepo vata 'ei Elia.
3DU ASP PR-cut CONT ART S. together with E.
Sepo and Elia are involved in an activity of (hair) cutting.’

Situation distribuée

‘617 Era vei-cici-yaki
3PL PR-run-PR
They ran in all directions.’

Situation répétitive

‘618 Na huke, ninaii vari-nahu tia
ART taro.leaf food PR-hurt stomach
Taro leaves, food (which) can hurt stomachs 74

Situation dépatientive

‘619 Wane e kwai-abingi
man 3DU:NONFUT PR-mistreat
The man mistrals (others)’

Situations moyennes

‘620 kwai-thatai
MID-make.ready
get ready (intr.)’ ‘621 kwai-karangi
MID-approach
move close, closer (intr.)’

Lichtenberk (2000) conclut son analyse en indiquant que l'origine de ce marqueur est en fait un marqueur réciproque qui a évolué d'une part vers une utilisation collective d'après son sémantisme de pluralité de relations et d'autre part vers des fonctions habituellement marquées par une dérivation moyenne par son sémantisme de faible distinction des participants (faible degré d'individualisation). La faible fréquence de fonctions moyenne et antipassive assumées par l'ancien marqueur réciproque s'explique d'après lui par le fait que même si les notions de faible distingabilité des participants et de faible élaboration des événements valent pour ce marqueur, c'est la notion de pluralité de relations qui constitue le premier facteur de cette polysémie dans ces langues. Ceci explique également sur le pan typologique la non-attestation de polysémie réfléchi-réciproque-collectif.

‘“If it were the facture of low degree of distinguishability of participants that was relevant in the Oceanic case, one might expect developments into the reflexive domain; however, such developments appear to be non-existent.” (Lichtenberk, 2000 : 57)’

Ainsi, dans cette analyse, les différentes fonctions moyennes, antipassives, collectives sont l'effet de l'évolution d'un marqueur réciproque dont la fonction actuelle peut être décrite comme un marqueur de pluralité de relations.

Notes
74.

"The object is nonspecific, and it is incorporated" (Lichtenberk, 2000 : 41).