D – Conclusion

D'après cette analyse, l'évolution du marqueur –e du wolof se rapproche, à notre avis, davantage du cas des langues océaniques, que du schéma traditionnel d'évolution des marqueurs réfléchis vers des fonctions moyennes, antipassives et réciproques, surtout si on prend appui sur le fait que la polysémie réfléchi-réciproque-collectif n'est pas attestée interlinguistiquement. Les affinités que nous avons établies dans les sections précédentes entre passif, réfléchi, moyen et réciproque n'entrent pas en contradiction avec l'évolution possible de cette dérivation vers le marquage du passif dans d'autres langues (cas du buy), mais indiquent seulement que l'origine de cette marque doit être établie dans un passé encore plus éloigné. Notamment si l'on tient compte du fait qu'en wolof, à la différence des langues océaniques, les fonctions les plus productives de cette dérivation sont réciproque, antipassif et marqueur de possession externe. En effet, dans cette langue, le marqueur de pluralité de relations –e n'est pas aussi productif dans le marquage d'action collective. Rappelons qu'en wolof, le marquage d'action collective s'effectue productivement à l'aide de l'amalgame –andu-e qui indique une action collective simultanée, tandis que dans les langues océaniques le marqueur de pluralité de relations marque plusieurs types d'action collective dont les sens sont dans certaines langues différenciées par un cumul de dérivations comme en wolof. Il est alors possible de conclure par rapport à ces langues que le marqueur de pluralité de relations en wolof est encore très proche de son origine réciproque, mis en évidence principalement par les différents événements réciproques que cette forme marque à l'aide d'autres dérivations. Par ailleurs, le marqueur de pluralité de relations en wolof présente une autre particularité par rapport aux langues océaniques. Dans le chapitre 4, lorsque nous avons abordé les dérivations causatives, nous avons pu mettre en évidence une particularité du wolof sur le plan typologique. Cette langue possède une dérivation causative dont le sémantisme est restreint à l'expression de causation sociative (action jointe et assistive) (cf. chapitre 4, B – 3.3.2.). Dans le chapitre 6, où nous traitons d'un syncrétisme possible pour les dérivations –al et –e, le suffixe causatif –le,sur cette nouvelle définition de la dérivation –e, peut être vu de la façon suivante : comme les autres dérivations complexes, la première dérivation est une dérivation applicative (622b.) à laquelle est ajoutée la marque de pluralité de relations –e qui indique que le sujet et l'objet humain réalisent ensemble l'action dénotée par le prédicat (622c.).

‘622 a. Tabax na këram
construire P1S maison-poss3S
J'ai construit sa maison.

b. Tabaxal na ko këram
construire-al P3S 3S maison-poss3S
Je lui ai construit sa maison.

c. Tabaxle na ko këram
construire-al-e P3S 3S maison-poss3S
Je l'ai aidé à construire sa maison.’

Avec ce dernier chapitre, nous clôturons la description des marqueurs de voix du wolof. Dans la partie suivante, nous concluons ce travail et décrivons les développements qu'il demande et les perspectives qu'il apporte pour une meilleure connaissance du wolof.